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"Trois femmes puissantes" de Marie NDiaye (2009)

Publié le 30 janvier 2021 par Artemisia72

"Trois femmes puissantes" de Marie NDiaye (2009)

Dans ce roman, publié en 2009 et qui a obtenu le prix Goncourt, Marie NDiaye évoque le destin de trois femmes, dans trois récits qui se suivent, mais tissent entre eux des liens parfois ténus...

Le premier récit met en scène Norah, une avocate de 39 ans. Celle-ci a subi dans son enfance un drame atroce : son père sénégalais a brutalement quitté le foyer familial, en kidnappant son fils, Sonny, âgé de cinq ans - et en abandonnant du même coup ses deux filles, dont Norah... Celle-ci a dû batailler pour réussir une belle carrière ; et un jour, son père l'appelle auprès de lui : elle devra défendre Sonny, accusé d'un meurtre, en réalité commis par le père... Le personnage le plus terrible, dans cette affaire, c'est ce père, cynique, cruel, indifférent à tout ce qui n'est pas lui... Ancien patron d'un centre de vacances tombé en faillite, ce bel homme séduisant n'est plus qu'une loque... mais n'a rien perdu de son égoïsme. Il accepte sans remords que son fils s'accuse pour le protéger, et ne se soucie guère de sa fille...

Le second se passe en Gironde. Le narrateur est Rudy, ancien professeur au lycée de Dakar, dont il a été chassé suite à un incident avec trois de ses élèves : l'un d'eux l'a traité de "fils d'assassin"... On apprend alors que son père, qui possédait le centre de vacances dont il a été question plus haut, a tué son associé qu'il accusait de l'escroquer... Peu après, il s'est suicidé en prison avant d'être jugé. Après son coup de sang, le fils est reparti en France, emmenant avec lui sa jeune femme, Fanta, et son bébé - en omettant de préciser à celle-ci qu'elle ne pourrait jamais enseigner dans un lycée français ! Depuis, il traîne son mal-être et sa culpabilité, rendant au passage la vie impossible à Fanta... dont on n'entend pas la voix, dont on ne sait presque rien...

Le troisième a pour protagoniste Khédy, une jeune femme qui n'était qu'une silhouette aperçue dans le premier récit. Devenue veuve très jeune, elle a été recueillie par sa belle-famille, et maltraitée parce qu'elle n'avait pas eu d'enfant. Finalement, ses mauvais parents la remettent entre les mains de passeurs, pour une émigration en France... pour aller retrouver Fanta, une cousine ! Mais elle n'y parviendra jamais, et le récit atteint le sommet de l'horreur : si elle échappe à la noyade en refusant d'embarquer sur un rafiot impropre à la navigation, elle se blesse et ne reçoit aucun soin ; elle est contrainte à se prostituer, probablement en Libye, et son compagnon d'infortune, qui pourtant l'avait prise sous sa protection, disparaît un jour avec tout son argent... et finalement, elle meurt avant d'avoir pu quitter l'Afrique.

On ne peut que s'interroger sur le titre : ces "Trois femmes puissantes" sont surtout des victimes, tandis que tous les hommes rencontrés rivalisent de lâcheté, de cruauté plus ou moins volontaire, de veulerie... jusqu'à la caricature. La noirceur est totale, surtout que le récit ne va jamais, ou presque, jusqu'à son terme : on ne saura jamais si Norah parviendra à sauver son frère, si Fanta finira par quitter son mari... Il en reste un sentiment de malaise, renforcé par une langue complexe, alourdie parfois jusqu'à des périodes bien longues, et par un symbolisme parfois insistant...


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