Le Démon de la Colline aux loups, de Dimitri Rouchon-Borie (éd. Le Tripode)

Le ton est donné tout de suite : « Même si c’est pas une belle histoire c’est la mienne c’est comme ça ». Comme ça aussi la ponctuation : difficile parfois de respirer. Celui qui écrit, dans la cellule où il est détenu, sur une machine prêtée par le directeur, veut tenter d’extirper le Démon qui est entré en lui par l’entremise de son père violent violant et que ça passe par l’écriture peut-être, puisque les psys le disent. Mais ça passe aussi par la violence, subie dès l’enfance, et retournée ensuite contre les autres. Et pourtant, cet enfant qui ne connaît pas son prénom avant d’aller à l’école, cherche toujours à protéger sa soeur ou son petit frère dont il ne connaîtra les prénoms que plus tard encore, son voisin de cellule, le couple chez qui il sera placé, une jeune fille vivant dans un squat et qui lui dit son prénom dès la première rencontre… Protéger, lui qui subit et que personne ne protège, qui cherche, depuis la prison, avec les livres qu’il demande à l’aumônier, à être sinon protégé du moins libéré de sa part d’ombre. Il écrit comme il a vécu et même si c’est difficile, si c’est douloureux, il n’en rajoute pas, il utilise les mots qu’il sait, son « parlement », et il en apprend dans les livres et le dictionnaire. Une conscience exacerbée au point d’être qualifiée « d’altération de conscience » par les psys au tribunal. Un chemin, parfois, souvent fait à pied pour aller voir la mer, pour revenir à la Colline aux loups, parce qu’il faut éprouver dans son corps même les efforts, un chemin obscur comme quand « la nuit dirait j’ai éteint le soleil ». Et retrouver le tout premier souvenir, celui dont on ne saura pas se passer, celui du nid et des autres qu’on connaît par l’odeur et la chaleur, et celui du volet ensuite qui ne fermait plus et qui laissait entrer un peu de la lumière.