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Jean-Jacques Rousseau, en quoi l’humain est libre

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
Jean-Jacques Rousseau, en quoi l’humain est libre

En bref : l’homme est libre parce qu’il arrive à s’arracher à sa propre nature contrairement à l’animal qui obéit à son instinct. Pour cet homme libre, il faut trouver, d’une part une éducation qui maintient cette liberté, d’autre part, un système politique qui ne l’enchaîne pas dans la tyrannie.

Différence entre animaux et humains

Une question obsède Rousseau : quel système politique pour les êtres humains ? Cette question découle par le constat fait par ce penseur que les hommes, bien qu’ils naissent libres, finissent dans les chaînes, dans le fer. Ceci mène donc Rousseau à réfléchir sur un système politique qui n’aliène pas les libertés individuelles des humains.

Pourquoi un système pour les humains et non pas pour les animaux ? Pourquoi ne pas proposer un système politique pour les araignées, pour les oiseaux, pour les lions dans la forêt ?

Cela revient à se poser cette question essentielle : quelle est la différence entre l’animal et l’humain ?

À une telle interrogation, certaines réponses viennent immédiatement à l’esprit : l’homme et l’animal diffèrent par la raison, diffèrent par la communication, diffèrent par le langage. Rousseau nous dit que tous ces éléments existent plus ou moins chez les animaux. La différence essentielle entre l’humain et l’animal, d’après Rousseau, est la faculté de l’homme à enfreindre , à transgresser les règles établies par son instinct.

L’animal obéit à son instinct

Selon Rousseau, l’animal obéit à son instinct de façon impérieuse et ne peut s’en échapper. L’animal est tellement conditionné par son instinct, qui le commande en toute circonstance, qu’il ne peut que lui obéir. À l’inverse, l’être humain est capable de s’écarter de sa nature, de s’arracher à son propre instinct, et c’est là sa liberté.

Vous trouverez en fin d’article des extraits de son livre le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.

Ainsi un chat affamé mourra de faim plutôt que d’essayer de se nourrir à l’aide de grains posés à côté de lui. Il est tellement commandé par son instinct naturel, qu’il ne s’avisera  même pas d’essayer. Il en est de même d’un pigeon affamé à côté d’une bassine pleine de viande. Son instinct lui dictera de ne pas se nourrir de cette viande, pourtant, nécessaire à sa survie. Au contraire, l’homme, parce qu’il est libre, est capable de s’arracher de sa nature pour explorer d’autres horizons. Cette liberté peut le conduire aux pires excès, aux conduites les plus néfastes.

L’humain se perfectionne

Le second élément qui différencie les animaux des humains est le fait de se perfectionner et d’évoluer. Là où les animaux répètent les mêmes gestes, habitent dans les mêmes lieux sans aucun changement, l’homme lui va évoluer tant dans son comportement, que dans son mode de vie, ou dans son habitat. L’animal répétera les mêmes gestes, vivra de la même façon tout au long des millénaires, tandis que l’homme lui va évoluer et se perfectionner.

Éducation et système politique pour l’humain

Ce perfectionnement, cette liberté, nécessitent du fait de la nature même du développement et de la croissance d’un nouveau-né, une longue éducation. L’animal, lui, devient, pour ainsi dire, opérationnel très rapidement après sa naissance. À l’inverse, l’être humain a besoin d’une très longue phase d’apprentissage et d’éducation pour pouvoir être autonome et évoluer de façon indépendante.

Cette notion est capitale pour Rousseau, puisqu’elle suppose une éducation spécifique à l’homme pour préserver justement cette liberté. C’est le sujet de son livre Émile ou De l’éducation.

Mais, après cette longue éducation, se pose pour l’homme la vie en société. Vivre en sociétaire s’est renoncer quelque part à une partie de sa liberté. Pour que l’homme puisse vivre en société tout en préservant sa liberté, il faudrait un système politique particulier ; un système qui peut concilier autorité et liberté. C’est le thème de Du contrat social.

Voici, donc exposé, de façon simple mais complète, ce qui fait la spécificité de l’être humain. Le prochain article sera consacré à l’état de nature selon Rousseau. Une vidéo traitant du sujet de cet article sera mise à votre disposition très rapidement.

Je vous invite à lire l’ouvrage : Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Cet un ouvrage court, très bien écrit, sans jargon.

Extraits de Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

1 Je ne vois dans tout animal qu’une machine ingénieuse, à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir, jusqu’à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire, ou à la déranger. J’aperçois précisément les mêmes choses dans la machine humaine, avec cette différence que la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes, en qualité d’agent libre. L’un choisit ou rejette par instinct, et l’autre par un acte de liberté ; ce qui fait que la bête ne peut s’écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire, et que l’homme s’en écarte souvent à son préjudice. C’est ainsi qu’un pigeon mourrait de faim près d’un bassin rempli des meilleures viandes, et un chat sur des tas de fruits, ou de grain, quoique l’un et l’autre pût très bien se nourrir de l’aliment qu’il dédaigne, s’il s’était avisé d’en essayer ; c’est ainsi que les hommes dissolus se livrent à des excès, qui leur causent la fièvre et la mort ; parce que l’esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore quand la nature se tait.
Tout animal a des idées puisqu’il a des sens, il combine même ces idées jusqu’à un certain point, et l’homme ne diffère de la bête que du plus au moins. Quelques philosophes ont même avancé qu’il y a plus de différence de tel à tel homme que de tel homme à telle bête ; ce n’est donc pas tant l’entendement qui fait parmi les animaux la distinction spécifique de l’homme que sa qualité d’agent libre. La nature commande à tout animal et la bête obéit. L’homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d’acquiescer, ou de résister ; et c’est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme : car la physique explique en quelque manière le mécanisme des sens et la formation des idées ; mais dans la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, et dans le sentiment de cette puissance on ne trouve que des actes purement spirituels, dont on n’explique rien par les lois de la mécanique.

2, Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l’homme et de l’animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c’est la faculté de se perfectionner ; faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu, au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu’elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi l’homme seul est-il sujet à devenir imbécile ? N’est-ce point qu’il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n’a rien acquis et qui n’a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l’homme reperdant par la vieillesse ou d’autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ? Il serait triste pour nous d’être forcés de convenir, que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est la source de tous les malheurs de l’homme ; que c’est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire, dans laquelle il coulerait des jours tranquilles et innocents ; que c’est elle, qui faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature.

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