Il y a des films qui passent inaperçus, ou que nous avons ratés pour une ou une autre raison et qu’il est difficile de voir ou revoir. Tel est le cas de Nahla, de Farouk Beloufa, cinéaste algérien, qui nous a quittés en 2018. Mon amie cinéaste Hejer Charf me prête le Dvd, et je peux enfin le voir 42 ans après sa sortie sur les écrans. Le film porte sur la guerre civile au Liban alors qu’elle venait juste de commencer depuis quatre ans. Le film rassemble des actrices et des acteurs professionnels et non professionnels. Yasmine Khlat (aujourd’hui devenue écrivaine) joue le personnage de Nahla, c’est son premier rôle au cinéma. Elle incarne une chanteuse qui craint de perdre sa voix en même temps que sa santé mentale. Le personnage de Maha, journaliste recherchiste sur le film, est joué par Lina Tebbara, qui joue en fait son propre rôle. C’est le personnage féministe du film. Le musicien Ziad Rahbani compose la chanson thème de Nalha. Larbi, (Youssef Saiah) le photographe-journaliste algérien fait un reportage sur le tournage du film de même qu’un reportage sur la guerre. Bien que son regard soit extérieur, il est algérien comme le cinéaste, il est le double du cinéaste si on veut, il va prendre délibérément le parti de la gauche libanaise qui défend la cause palestinienne. Il se range du côté de Maha qui ne craint pas de poser les questions brûlantes de l’époque. Nous découvrons les camps des réfugiés palestiniens avec Hind, l’activiste palestinienne, (Nabila Zitouni). La caméra quitte le plateau de tournage du film et devient documentaire. Elle descend dans la rue, nous fait revire le Beyrouth à la fin des années 70. La rue Hamra et ses embouteillages, les klaxons des taxis, les vieilles Mercedes de l’époque. Quand elle pénètre le camp palestinien, une femme paysanne comme la gardienne du temple est assise à l’entrée. Elle leur dit : Ahlan tfadalo, bienvenus, entrez. Farouk Beloufa joue avec le réel. Larbi, le photographe répète les phrases, il se les remémore. Le spectateur fait le reportage avec lui. Il enregistre. On entend la bande son. Et toujours la voix de la chanteuse le long du film. Des extraits de Kissinger avec Anwar Sadate. Les bruits des rues, la voix du mendiant, les jeunes gens qui draguent. Tout un hors-champ qui font de ce film précurseur des films documentaires-fictions. C’est la cinéaste Moufida Tlatli qui a monté le film. Elle aussi vient de nous quitter. Un film qui nous habite longtemps, comme Beyrouth et notre mémoire de la guerre. C’est grâce à la cinéaste libanais Jocelyn Saad (elle aussi nous a quittés en 2019) qui a introduit Beloufa au Liban.
Nahla en Dvd : Les mutins de Pangée. Durée du film : 109 min. 1979 Durée des compléments : 55 minutes Le silence du Sphinx (2010 - 13 min) Un court-métrage de Farouk Beloufa Un récit déroutant où se mèlent simulacre du réel et vraisemblance de la fiction. Reportage sur le tournage de Nahla réalisé par Jocelyne Saab (1979 - 27 min) Entretien avec Farouk Beloufa - (2015 - 12mn)