Stavros contre Goliath
Les enquêtes à Athènes du commissaire Stavros Nikopolidis, Tome 2
Auteur : Sophia Mavroudis
Éditions : Jigal (15 septembre 2020)
ISBN : 978-2377221097
275 pages
Quatrième de couverture
Le commissaire Stavros Nikopolidis est un électron libre et désabusé, charmeur invétéré, amateur d’ouzo et de rebetiko, au caractère bien trempé et à l’instinct aiguisé. À peine remis de la traque de son ennemi intime, il se retrouve, sur ordre de sa hiérarchie et de Bruxelles, à devoir collaborer avec les Turcs – ennemis jurés des Grecs depuis toujours – en vue d’interpeller en mer Égée un terroriste embarqué dans une caravane de migrants à destination de l’Europe.
Mon avis
Sophia Mavroudis est gréco-française, elle a grandi en Grèce. Elle est docteur en Sciences Politiques, spécialiste de géopolitique et des conflits en Europe et à sa périphérie. C’est sans aucun doute pour cela qu’elle parle si bien de la Grèce, de ses souffrances, de ses errances, des difficultés pour la politique européenne à gérer les migrants.
Cette fois-ci, la mission du commissaire Stavros et de son équipe est claire, c’est un ordre de Bruxelles. Il faut coincer un terroriste et l’arrêter avant qu’il fasse des dégâts. Sauf que pour l’attraper, il est nécessaire de collaborer avec les voisins turcs, les ennemis de toujours. En effet, l’homme en question s’est caché au milieu de migrants sur un bateau en pleine mer Égée.
Stavros n’aime pas qu’on lui donne des ordres, comme ça de loin, sans que ceux qui exigent n’aient conscience de la réalité du terrain. Mais il est bien obligé d’agir, aidé de sa coéquipière Dora. D’ailleurs cette dernière semble s’impliquer encore plus que d’habitude dans cette quête, pourquoi ? Il faut qu’il la garde à l’œil car elle est impulsive. Quand elle a une idée en tête, elle fonce sans réfléchir aux conséquences. Il y a aussi le geek de l’équipe, Eugène et son drone, il voit tout ou presque mais il ne dit que ce qu’il veut. Quant à Glykas, un autre collègue, il n’est pas toujours très clair… pas facile de coopérer, de cohabiter et d’aller tous dans le même sens pour mener à bien la tâche qui leur a été confiée. D’autant plus que les relations avec les turcs ne sont pas cordiales et que certains font de la rétention d’informations.
Sous couvert de cette nouvelle enquête pour le policier, l’auteur présente la Grèce et ses habitants. Un pays meurtri, fatigué, exsangue, où beaucoup cherchent à donner du sens à leur vie tant ils ne se reconnaissant plus dans les actions et les choix des hommes politiques. On découvre les camps de migrants, les enfants malmenés, les conditions de vie précaires et horribles. Mais Sophia Mavroudis glisse ça et là des expressions typiques, un plat du coin, un poème, un jeu (le tavli) et cela sent bon le terroir, l’amour de ses racines. Cela donne un peu d’air aux propos. Non pas qu’on oublie la douleur des personnes dans les camps et les exactions qu’ils subissent mais ça remet un peu d’humanité au milieu de tout ça.
Stavros est comme son pays, il a enduré des choses terribles mais il s’est relevé. Dans ce livre il continue de lutter contre l’injustice, il essaie de garder la foi, de croire en d’autres possibles. C’est un homme à la fois hanté et aidé par son passé. Il se souvient de son enfance et les passages qu’ils évoquent en pensées sont d’une tendresse infinie.
Avec une écriture précise, incisive, ne cachant rien, l’auteur nous entraîne à la suite de Stavros et de son groupe. Elle nous confronte à la réalité et nous oblige à ouvrir les yeux. La Grèce, ce n’est pas que le soleil et le tourisme… Stavros et Dora ne lâcheront rien, jamais. Ils seront les résilients et par eux, des voix seront entendues, respectées. Bien sûr, parfois, ils flirtent avec la loi, dépassent les limites mais c’est à ce prix-là qu’ils peuvent avancer.
J’aime lire cet écrivain. Au-delà de l’intrigue, elle me bouleverse par l’approche très juste, très fine et surtout très courageuse et sans jugement qu’elle fait de la Grèce.