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Comment Paul McCartney a longtemps perdu les droits de ses chansons

Publié le 24 janvier 2021 par John Lenmac @yellowsubnet

Comment Paul McCartney a longtemps perdu les droits de ses chansons

En 2016, Sony devenait propriétaire de 50 % de la société Sony/ATV, pour 750 millions de dollars, obtenant ainsi le contrôle de centaines de milliers de chansons, dont les joyaux de la couronne : la quasi-totalité de celles des Beatles. Un catalogue que Paul McCartney a eu bien du mal à récupérer.
Le combat de Paul McCartney pour récupérer les droits de son imposant catalogue a été long et semé d'embûches


Le combat de Paul McCartney pour récupérer les droits de son imposant catalogue a été long et semé d'embûches (Photo EPA)
C'est une histoire qui remonte à près de 60 ans et qui a connu bien des rebondissements depuis lors. Tout commence début 1963, alors que les Beatles ont sorti avec succès au Royaume-Uni leurs deux premiers singles, " Love Me Do " et " Please Please Me ". Leur producteur musical, George Martin, déjà convaincu d'avoir trouvé la poule aux œufs d'or dans le duo d'auteurs-compositeurs John Lennon-Paul McCartney, persuade le manager du groupe, Brian Epstein, de s'associer avec l'éditeur de musique Dick James pour fonder une société d'édition commune, afin de gérer au mieux les droits d'exploitation des chansons qui sortiront de l'inspiration des deux Beatles en chef.

Par un " gentlemen agreement ", ceux-ci ont très tôt décidé d'adopter la signature commune McCartney-Lennon, qui deviendra très vite Lennon-McCartney, pour tout morceau écrit par les deux ou séparément par l'un seulement. Les deux jeunes hommes, à peine adultes, ignoraient même jusque-là que les droits d'une chanson pouvaient être déposés et rapporter ainsi un peu plus d'argent que celui généré par les simples ventes de disques...

Chansons du Nord pour commencer
La société ainsi fondée s'appellera Northern Songs (Chansons du Nord, référence à la situation géographique de leur ville, Liverpool, sur la carte de l'Angleterre). Dick James et son partenaire, Charles Silver, détiennent 50 % des parts de la société, Lennon et McCartney, 20 % chacun, et Brian Epstein, 10 %. Les premières chansons de George Harrison seront également publiées par Nothern Songs.

En 1965, Northern Songs est introduite en Bourse, pour des raisons d'optimisation fiscale. Les parts de Lennon et McCartney étant ramenées pour chacun à 15 % du total. Le succès de l'opération est énorme. Il faut dire qu'à l'été 1966, le duo a déjà écrit et publié 88 morceaux qui ont déjà fait l'objet de près de 3 000 reprises enregistrées à travers le monde.
" The Beatles : Get back ", les premières images
En mars 1969, James et Silver, en froid avec les Beatles, vendent brutalement leurs parts dans Northern Songs à la chaîne de télévision britannique ATV, pour 1,525 million de livres. Après avoir appris cette vente, Lennon et McCartney se voient offrir par ATV 2,3 millions de livres pour leurs propres parts mais refusent de s'en séparer et tentent de contre-attaquer afin de récupérer le contrôle de leur société, mais en vain. De guerre lasse, ils vendent tous deux leurs parts en octobre 1969.

Paul, Yoko et... Michael Jackson
Début 1981, alors qu'ATV devenue ACC (Associated Communications Corporation), connaît des difficultés financières et est tentée de revendre le fameux catalogue de chansons des Fab Four, Paul McCartney et Yoko Ono, depuis peu veuve de John Lennon, s'entendent pour lui offrir 21 millions de livres pour ce rachat, mais la vente est finalement annulée.

C'est alors qu'intervient un certain Michael Jackson. Alors que son compte en banque vient de grossir démesurément à la suite du triomphe de l'album " Thriller ", la superstar fréquente régulièrement Paul McCartney, avec lequel il enregistre plusieurs duos à succès. Lors des sessions de " Say Say Say ", l'aîné évoque devant son cadet l'intérêt d'une société d'édition. Un jour, selon McCartney, Jackson, après lui avoir demandé conseil en la matière, lui annonce qu'il s'apprête à acquérir les droits du catalogue de Northern Songs, qui s'apprête une nouvelle fois à être remis sur le marché, ce que McCartney prend pour une blague.

À tort. Une offre d'achat est présentée à McCartney qui la refuse, puis à Yoko Ono qui en fait autant, et les deux ne parviennent pas à s'entendre pour faire une offre commune. Le 10 août 1985, Michael Jackson acquiert pour 47,5 millions de dollars de l'époque les droits de Northern Songs, soit près de 250 chansons du célèbre tandem composées entre 1963 et la séparation des Beatles en 1970. Les relations entre Paul McCartney et Michael Jackson en resteront altérées à jamais, d'autant que le premier aura toujours le plus grand mal à accepter de devoir payer des droits au second pour pouvoir interpréter ses propres chansons sur disques ou sur scène. Il y a de quoi la trouver saumâtre, à la longue, en effet...


Pourquoi les artistes vendent-ils les droits de leur catalogue de chansons ?
En 1995, Jackson vend pour 100 millions de dollars la moitié du catalogue d'ATV à Sony, qui devient la société Sony/ATV Music Publishing. Après la mort du chanteur, en 2009, ses héritiers vendent à cette dernière, contre 750 millions de dollars (somme considérée comme la plus importante en la matière pour ce genre de transaction dans l'industrie de la musique), les 50 % restants de l'ancien catalogue de Northern Songs (société dissoute en tant que telle en 1995). Sony devient alors propriétaire à 100 % de ce précieux répertoire qui a généré un cumul sans équivalent de plus de 700 millions de disques vendus dans le monde et plus de 10 000 reprises enregistrées (dont quelque 2 000 pour la seule "Yesterday"), se chargeant d'en collecter et répartir les droits dans le monde entier.

Et Paul McCartney, là-dedans ? Il ne renonce pas et se décide à poursuivre en justice Sony/ATV, en juin 2017, en se basant sur une loi américaine de 1976 qui permet aux auteurs de chansons de récupérer les droits de leurs créations à partir de la 56e année qui suit leur publication. Et, comme Yoko Ono probablement, il obtient finalement ainsi gain de cause à la suite d'un accord aux termes resté confidentiels qui lui rend progressivement l'ensemble de ses droits, à compter du 5 octobre 2018, marquant le 56e anniversaire de la sortie de " Love Me Do ", la chanson par laquelle tout avait commencé. Avec deux jeunes gars de Liverpool, à des années-lumière de telles considérations pécuniaires et juridiques, grattant leurs guitares l'un en face de l'autre avec pour unique objectif d'écrire de bonnes chansons qui séduiraient peut-être l'oreille de quelques-uns...


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