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plaisant syllogisme. ( Louis-René Des Forêts )

Par Jmlire

" Bien qu'il me parût nécessaire pour entretenir l'état agréable où je me trouvais de conserver intacte toute ma lucidité, j'avais une connaissance assez éprouvée de ma faiblesse pour prévoir avec certitude qu'aucune considération de ce genre ne me retiendrait de céder à la tentation absurde et immédiate de vider ce verre qui brillait devant moi ; et je crois même que c'est la certitude absolue d'une chute prochaine qui m'entraînait à en avancer l'échéance. Je bus quatre verre consécutifs, c'était bien agréable aussi. La meilleure justification à ma faiblesse me semblait résider dans le fait que ma sensibilité, au lieu de se brouiller, devenait à la fois plus nette et plus réceptive, et je me sentais plein de sympathie, une sympathie formidable, pour tous ces gens agités. Qu'ils avaient raison de rire, de danser, de boire, de se préparer par des mots et des gestes à faire l'amour ! Quel passe-temps utile ! Dans le spectacle de ces gens emplis d'espoir ou de désespoir qui s'aiment ou cherchent l'amour, dans ce bruit de rafale, dans cette odeur chaude et confinée, consiste tout le secret de la vie, me disais-je en soulevant mon verre. Vivre c'est sentir, et boire, danser et rire c'est sentir, donc boire, danser et rire c'est cela vivre et sur ce plaisant syllogisme je vidais mon verre..."

Louis-René Des Forêts : extrait de " Le bavard " , Éditions Gallimard, 1946, renouvelé en 1973. L'imaginaire Gallimard, 1978.

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