Des individus dont vous n’avez jamais entendu parler, il y en a une trâlée ; que ce soit Walter Mondale, Blythe Masters, Jacques Sapir, Paul Bernardo, Bob Grogan, René Fonck, Norman Palma, Ludwig Wittgenstein (si dans cette liste vous reconnaissez au moins deux noms, considérez-vous comme étant très fort) ou encore des tas d’autres, et franchement -à part peut-être pour Jacques Sapir et Norman Palma- ce n’est pas une très grosse lacune dans votre culture générale.
Alors voici en quelques mots l’histoire d’un homme dont vous n’avez jamais entendu parler ; Sa Majesté le roi Henry VI d’Angleterre.
Naissance d’un roi
Le futur roi Henry VI est né le six décembre 1421 au château de Windsor, il est le fils unique de Catherine de Valois et de SM le roi Henry V, roi d’Angleterre ; on lui donne le titre de Duc de Cornouailles peu après son baptême par Mgr Henry Chichele, archevêque de Canterbury.
Henry V, son père (qu’il ne rencontrera jamais), accède au trône en 1413, son pouvoir est alors très contesté et il revendique dès 1414 le trône de France (exigé par la couronne britannique depuis 1340) et en lance l’invasion en 1415, il emporte une victoire militaire écrasante à Azincourt la même année, le 12 mai 1420 est signé le traité de Troyes donnant le royaume de France à Henry V et ses descendants à la condition qu’il épouse Catherine de Valois (ce qu’il s’empresse de faire pas plus tard que le deux juin).
Henry V meurt de dysenterie le 31 août 1422, en France ; de fait, il ne parvient pas à réunir sous sa gouvernance la France et l’Angleterre.
Accession au trône
C’est alors qu’Henry (Henry #6, le nôtre ; c’est tout de même mêlant tous ces Henry, c’est si difficile que ça d’appeler son fils Bernard ou Paul ?) devient roi d’Angleterre et (d’une manière théorique) de France (à noter qu’il est reconnu comme tel par les Bourguignons qui occupent alors toute la partie nord de la France, Paris comprise), et ce à l’âge de neuf mois.
La régence est confiée au Duc de Bedford, oncle d’Henry, qui part guerroyer et bouter les français hors de France (c’était une sorte de tradition chez les Anglois, à l’époque) et la régence est reconfiée à Humphrey de Lancaster -autre oncle d’Henry- qui est fortement influencé par son propre oncle, Mgr Henry Beaufort.
Vive le roi !
Henry de Cornouailles devient officiellement Henry VI d’Angleterre le 6 novembre 1429 à l’abbaye de Westminster où il est couronné par Henry Chichele ; puis il devient officiellement Henry (ou Henri) VI de France et d’Angleterre le 16 décembre 1431 à Notre-Dame-de-Paris où il est couronné par Henry Beaufort, nouvellement cardinal.
Il épouse Marguerite d’Anjou, âgée de 15 ans, le 23 avril 1445 à la collégiale Saint-Georges de Nancy, puis elle est couronnée à Westminster le 30 mai.
Il met fin à la guerre de cent ans en 1453 suite au désastre de la bataille de Castillon (la paix ne sera officiellement signée qu’en 1475, avec le traité de Picquigny, mais les dernières passes d’armes se feront en 1453).
Des heures difficiles
Il perd la tête (de façon imagée pas comme Louis XVI) la même année.
Pour être un peu moins laconique (et sardonique) disons que la nouvelle de la cinglante défaite de Castillon l’affecte beaucoup et le fait tomber dans la schizophrénie.
Et pour ne rien arranger, une guerre civile éclate dans tout le pays entre York et Lancaster, la guerre des Deux Roses.
Le duc d’York lui succède officieusement, puis est chassé par Marguerite -qui a, dit-on, un fort mauvais caractère- en 1456, quand Henry, qui a dû bien la chercher, retrouve toute sa tête.
En 1458, Henry essaie de réconcilier les partisans du duc d’York et ceux de Lancaster. En vain…
Profitant de la guerre des Deux Roses et suite à la sanglante bataille de Towton, qui fait plus de 20 000 morts et dont l’issue est favorable aux Yorkistes, Edward d’York renverse Henry VI et est couronné le 28 juin 1461 sous le nom d’Edward IV ; Henry est déchu et proclamé traitre par le nouveau parlement.
Les temps sont durs
Henry fuit en Ecosse et voyage d’une forteresse à l’autre jusqu’en 1465, date à laquelle le frère de son hôte, un certain John Tempest, le dénonce aux Yorkistes qui le jettent dans la Tour de Londres où écrit des poèmes qui décrivent à quel point être roi est n’est pas une mince affaire.
En 1470, les lancastériens fomentent une révolution, qui va être violente et provoquer encore la mort de nombreuses personnes (tout ça pour le seul droit de poser son joli derrière sur un siège, quand même… sur le plus haut trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul dira Montaigne.) mais aura le mérite de replacer notre ami Henry sur le susdit siège. Pas pour longtemps, en effet, les Yorkistes, qui décidemment sont bien difficiles en matière de fauteuils, reprennent (encore) le pouvoir (et le siège) (tout de même, ça a des bons côtés d’avoir si facilement accès à Ikea, de nos jours), et re-jettent Henry dans la Tour de Londres. La guéguerre continue, mais Henry, ce bon Henry, sans doute de guerre lasse, part pour un monde meilleur (on l’espère pour lui). Il a très vraisemblablement été assassiné sur ordre d’Edward VI : ses fossoyeurs rapportèrent qu’il avait du sang et des blessures au crane.
Et voilà comment se termine la vie bien agitée d’un illustre roi très peu connu !
L’article La vie d’un illustre roi inconnu anglais est apparu en premier sur Culture générale.