C’est un petit livre publié en 1927 en Russie, écrit par Victor Chklovski, Technique du métier d’écrivain, que les éditions de l’arbre vengeur republient en 2020 dans la traduction de Paul Lequesne. Dans cet ouvrage, l’auteur expose d’abord quelques règles d’écriture journalistique puis propose d’examiner des techniques utilisées par des écrivains russes (Tolstoï, Tchekhov, par exemple) ou d’autres pays (Dickens, Maupassant…). C’est dans leurs écrits, leurs notes préparatoires, qu’il trouve les méthodes mises en oeuvre.
J’en retiens un exercice auquel s’est livré Dickens. Dans une note il écrit : Rédiger un récit en deux périodes, avec un certain intervalle de temps entre elles.
Après cela vient une liste :
Feuilles dans la forêt
Feuilles mortes
La Grande Roue
À la ronde et tout autour
Feuilles anciennes
Il y a bien longtemps
Vingt-cinq années
Au fil des ans
Les Années passent
Jour après jour
Les Arbres qu’on abat
Pierres qui roulent
Feuilles fanées
Deux Générations
Ces éléments servent à Dickens pour un de ses romans. Ils vont vous servir aujourd’hui.
Vous utiliserez quelques éléments de la liste, faisant appartenir les uns à une période, les autres à une autre. Et vous construirez un récit laissant au lecteur, à la lectrice le soin d’imaginer ce qui a bien pu se produire entre les deux périodes.
Exemple :
Il n’avait pas besoin de beaucoup pour se nourrir dans l’espace restreint où il avait désormais l’habitude de vivre. À intervalles réguliers, la plante qui continuait à croître près de cet espace laissait tomber une ou deux feuilles fanées qu’il grignotait sans se presser, ne connaissant pas de danger dans ce lieu. Aucun prédateur. L’homme qui lui avait tenu compagnie était sorti un jour de l’habitacle et n’était pas revenu. Il était seul. son organisme avait été préalablement modifié pour survivre encore des années. À la fin ne resterait que son ultime carapace. Mais cela prendrait très longtemps, selon les pronostics terrestres, à condition qu’il ne sorte pas de l’espace qui lui avait été dévolu. De temps en temps, il pouvait courir sur la Grande Roue pour faire un peu d’exercice, mais il n’en avait pas réellement nécessité tant que sa nourriture tomberait régulièrement à sa portée.
Il avait d’abord été chassé d’une maison qu’il habitait avec ses frères et soeurs. Ils étaient si nombreux que les propriétaires avaient fini par les découvrir dans un coin humide de la cave. Ne sachant quoi en faire, et ne voulant pas les exterminer dans ces temps où les espèces disparaissaient les unes après les autres, ils les avaient confiés à un laboratoire. Les crustacés y avaient trouvé l’accueil qui leur convenait jusqu’à ce que des recherches furent engagées pour qu’un des leurs soit passager d’un vol spatial. Mars était la destination. Les expérimentations tuèrent une bonne partie de la colonie bien qu’on leur eût donné des bouts de branches des arbres qu’on abattait alentour. De toute façon, un seul était prévu pour le voyage. La solitude au début lui pesa. Il n’était pas initialement destiné à vivre le temps de deux générations d’humains. Puis il s’habitua, abandonnant ses carapaces l’une après l’autre disposées dans son vivarium comme les souvenirs de ses vies passées qu’il visitait de temps en temps et visiterait encore quand il arriverait sur une autre planète.
C’est à vous main tenant. Écrivez un récit en deux parties en laissant à la personne qui le lira le plaisir d'imaginer ce qui a bien pu se passer entre les deux périodes. Et postez votre texte dans les commentaires ci-dessous. Merci.