Je relis de la poésie. Vraiment, je redécouvre un genre négligé et je me régale. Je pioche au hasard dans les rayons des bibliothèques, je picore, je lis in extenso, je note des vers. C'est ce qui s'est passé avec ce recueil de Jean-Marie Barnaud dont je ne connaissais même pas le nom. Il y a dans cet ouvrage, des poèmes de 1983 à 2014, issus d'une dizaine de ses publications. J'ai découvert une voix discrète, tournée vers le ciel, vers la nature, vers l'autre. Et des vers courts, où chaque mot compte, choisi. J'en ai noté quelques extraits que je vous livre :
"Passante inespérée :
la pluie,
sous l'arc-en-ciel"
"Passe l'écureuil,
ce risque-tout.
"Et celui-là,
soupire le chien,
où sont ses ailes""
"La mer en fête
tend l'arc
de ses dauphins"
"Comment dire seulement
Douceur
Quand l'air partout
Autour de nous
Eclate
Et puis retombe en cendres
Quand c'est du sable qu'on déverse
En charretées
Sur les visages et sur les mains
De suppliants
Quand les soins du labour
Que la mort
Sous son masque d'acier
Quand on n'avance que pour creuser
Des tombes"
"Alors tu t'étais perdue
Les chemins pour te rejoindre
avaient sombré
Tu t'éloignais toujours plus
dans cette campagne vive
Tu me hélais de là-bas
sans me voir
Et dans ce rêve dont j'étais le naufragé
je te voyais qui te penchais souvent
pour une poignée d'asperges sauvages"
"Qui sait combien de pages
droit devant
il reste à écrire
et dans quelle langue
Et donc
voici bien ma supplique :
que tu descendes
jusqu'à ce livre
qui témoigne aussi de nous
Que tu fasses lever
l'éclat demain
de la page blanche"
"Le don furtif
C'est à nouveau
dans le ciel d'hiver
le grand soleil
Témoin terrible qui enchantait
les Grecs et dessinait pour eux
les routes de l'éternel
Le même
faisait aussi flamber au désert
les armes d'Alexandre
Vrai que maintenant
les drones et les missiles
sont les yeux et la foudre
des nouvelles puissances du ciel
qui toucheraient plus surement
Achille au talon
que la flèche de Pâris
Les dieux à présent
travaillent au scalpel
D'un seul élan
comme le vent nous porte
nous rentrons au pays
La mer nous est fidèle
L'écume fume et sauve
Ce sont les dieux qui jouent
Sur les nantis aux chagrins ordinaires
la beauté passe et se donne
sans preuve et sans raison
Assauts et clameurs
les vagues se brisent
contre la muraille
On a le droit ici
d'avoir les yeux comblés
et le corps sourd"