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(Note de lecture), Maxime Morel, Poésie-Paléo, par Stéphane Lambion

Par Florence Trocmé


Maxime Morel  Poésie-PaléoOn aime, en littérature, parler d’OVNI à tout bout de champ : on en viendrait presque à penser qu’entre les études littéraires et l’ufologie, la cloison est plus mince qu’il n’y paraît. Il est certain, en tout cas, que le livre de Maxime Morel ravira les amateurs de formes littéraires difficilement identifiables. Fidèle à son titre, c’est un livre qui demande à être considéré avec une attention de paléontologue : l’auteur lui-même prône une forme de lenteur qui est à la fois celle du rythme humain naturel et celle du paysage. Il n’est sans doute pas anodin, d’ailleurs, que le recueil s’ouvre sur un poème qui met en avant le « Soi-Paysage » (p. 16), reliant par un trait d’union deux composantes essentielles du livre. Ce lien sera ensuite décliné de beaucoup de façons différentes, et l’on découvrira plusieurs façons de connecter « Soi » et le « Paysage ».
Rapidement, toutefois, un troisième élément s’ajoute à l’équation : le temps. Outre la référence constante et primordiale à l’art paléolithique (qui apparaît comme un modèle à part entière), Poésie-Paléo se construit sur un ensemble de traits historiques et de légendes, souvent liés au Pays Basque, dont la géographie infuse l’ouvrage – surtout par l’intermédiaire de l’Adour, qui est comme un fil conducteur à la fois symbolique et historique (d’ailleurs, « Tu savais qu’au XVIe siècle on a détourné l’arrivée de l’Adour ? », p. 41). C’est donc d’abord le temps historique qui s’ajoute au rapport entre « Soi » et le « Paysage », mais c’est aussi le temps concret, celui de la lecture et de l’écriture d’une part, et celui de la vie humaine d’autre part – c’est-à-dire le temps qu’il faut, par exemple, pour aller en voiture de La Barre d’Anglet, près de Biarritz, à Sandwood Bay*, en Écosse : « Itinéraire Cut-Up » (p. 37) reprend ainsi de manière détaillé les indications routières de Google Maps pour offrir au lecteur un poème jouissif par son caractère absurde mais aussi par le pont qu’il jette entre des lieux si éloignés.
La référence à cette traversée se retrouve une vingtaine de pages plus loin : « il prend par l’ouest / toujours par l’ouest / longe le Royaume-Uni / caresse les côtes irrégulières de l’Écosse / et la nuit ! – la nuit de brume – / l’eau se perd dans l’eau // l’Adour est un fleuve » (p. 63). Et encore une vingtaine de pages plus loin, voilà que « le regard se cogne / à la barre d’averse et aux odeurs d’Écosse » (p. 87) : ce que l’on constate, c’est que Poésie-Paléo se construit selon une habile répétition de motifs entremêlés – un certain nombre de poèmes sont d’ailleurs qualifiés de « motifs » dans leur titre même (et l’on ne peut s’empêcher de voir là, encore une fois, l’idée d’un motif rupestre qui viendrait tapisser le livre et lui donner sa matière).
Au fil de tous ces motifs s’entrelace un voyage à plusieurs facettes – et ce voyage est assez réussi : Poésie-Paléo ne ravira pas que les amateurs d’ufologie. Par ailleurs, le livre de Maxime Morel est l’un des premiers livres d’une maison d’édition qui a vu le jour récemment : Exopotamie. On trouve également à son catalogue un recueil de Marie Lo Pinto intitulé Fugues : une longue série de notes et de remarques intimes au travers desquelles se construit une identité, une histoire, une personnalité. Là aussi, des motifs s’entremêlent, mais ils sont d’un autre genre, bien plus concrets – parfois volontairement triviaux – et bien plus quotidiens : si Maxime Morel propose un voyage universel de l’Homme dans l’Histoire, Marie Lo Pinto propose un voyage individuel d’une femme dans son histoire. La recherche poétique est tout à fait différente, mais on ne peut que saluer, dans les deux cas, le travail éditorial de la maison : espérons donc qu’Exopotamie connaisse un bel avenir.

Stéphane Lambion

Maxime Morel, Poésie-Paléo, Éditons Exopotamie, mars 2021, 160 p., 17 €
*Lire un important extrait du livre en cliquant sur ce lien.


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