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Peugeot maitriserait le temps ?

Publié le 09 avril 2021 par E_duport @emileduport

Peugeot a donc décidé de refondre une nouvelle fois son logo, et le moins que l’on puisse reconnaitre, c’est que le travail opéré sur la forme par l’agence W est remarquable.
Avec ce retour à l’illustré se prêtant particulièrement au traitement rétroéclairé des modèles électriques, la marque gagne en élégance, modernité et puissance.

PEUGEOT MAITRISERAIT LE TEMPS ?


Cette mutation traduit également la nouvelle ambition des marques d’induire des comportements, de traduire des aspirations au lieu de garantir un héritage, une tradition.
Dans cette perspective, on comprend le passage d’un logo blason effet chrome au look désuet à la posture plus expressive et volontaire d’un lion qui n’est pas sans rappeler la version du logo des années 60.

PEUGEOT MAITRISERAIT LE TEMPS ?


Cette option comportementale est d’ailleurs soutenue par une campagne d’affichage qui représente des visages associés et configurés au profil du lion avec cette signature « Lions of our time »

Jusque là, on peut déplorer la faiblesse de la formule car un lion est une figure morale neutre et la compatibilité avec l’esprit du temps est une aspiration bien insatisfaisante (on aurait pu aller sur une invective du type « Bring the Lion out ») mais on reste sur un rendu gracieux et efficace.

PEUGEOT MAITRISERAIT LE TEMPS ?


Là où les choses se gâtent, c’est lorsque l’on s’intéresse au discours qui accompagne le dévoilement de ce nouveau logo.

Je vous laisse découvrir le clip manifeste et vous reprend juste après :


Je ne m’attarderai par sur le traitement artistique qui reprend les codes crépusculaires et urbains vus et revus d’une multitude de campagnes aspirationnelles pour me concentrer sur la philosophie du texte.

Nous sommes les lions


Dès la première phrase, le constructeur nous fait rentrer dans une compréhension plus profonde et disons le, bien décevante, de sa nouvelle signature « Lions of our time » qu’il fallait apparemment comprendre … au premier degré.

Peugeot dit à toutes les personnes qui se réclament d’elle qu’ils sont des lions.
On peut s’attrister que la pub, au lieu d’éveiller les consciences, se contente de suivre, voir d’accélérer, les phénomènes sociaux dont l’anti-spécisme fait parti intégrante.
L’homme du 21eme siècle ne sait plus véritablement ce qui le sépare de l’animal.
Engorgé de repentance écologique, convaincu que la nature serait bien meilleure sans lui alors qu’en réalité, c’est bien lui qui lui donna sa forme la plus resplendissante, le clip laisse entendre que l’atteinte du bonheur passe par la sollicitation de ses instincts et un retour à l’état sauvage plutôt que par la sollicitation de son esprit et la visite de son âme.

Notre royaume, c’est le temps


S’en suit une injonction à profiter voracement de chaque instant, de contrôler son temps comme un lion le ferait de son territoire.
Les images qui accompagnent le propos mettent en scène des jeunes gens dans l’affirmation totale et parfois incongrue de leur liberté corporelle avec cette tendance de fond commune à tant de pub de rappeler à chacun qu’il est génial, unique, sans défauts jusque dans ses choix les plus absurdes.

La seconde objection que l’on peut faire à ce texte, c’est qu’il nous donne l’illusion que nous pourrions désormais avoir la maitrise du temps, lui dicter son rythme, contrôler le tempo de sa vie ce qui, même pour ceux qui n’ont pas enterré un proche depuis longtemps, reste une absurdité.

Là où le texte pèche par petitesse d’âme, c’est qu’il oublie essentiellement de rappeler que le temps est une valeur partagée et qu’en se rendant maitre du temps nous contrôlons nécessairement celui des autres.
Le récit associe le temps à un patrimoine personnel sans même envisager qu’il pourrait être employé au service des autres et non à la satisfaction de nos fantasmes les plus immédiats.

Enfin je terminerai en disant que, si le lion est la manifestation de la puissance, elle s’appuie pour l’homme sur la connaissance de ses failles et l’humble considération de ses limites et non dans l’affirmation présomptueuse d’une autonomie ignorant toute dépendance vis à vis d’autrui.

Encore une marque qui choisit de fasciner par le mensonge et un existentialiste immature au lieu d’adresser les aspirations spirituelles immuables de ses parties prenantes.

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