L'arbre-monde

de Richard Powers

Roman - 550 pages

Editions Cherche-Midi - septembre 2018

Editions poche 10/18 - septembre 2019

Grand prix de la Littérature américaine - 2018

Prix Pulitzer - 2019

Dans cette Amérique multiple, il est des hommes et des femmes qui sans le savoir sont reliés entre eux par des arbres, reliés à la vie, à leur destinée, à la conscience de l'environnement naturel. Il y a Nicholas Hoel dans la famille duquel un châtaigner est héréditaire ; Mimi Ma qui a elle hérité de 3 bagues avec des représentations d'arbres, et dont le père Winston s'est suicidé ; Adam Appich, le perfectionniste, attardé, humilié par professeur Rabinowsky ; Ray Brinkman et Dorothy Cazaly, en couple non marié, tant Dorothy craint les mauvais liens avec un amoureux avocat en droit de la propriété ; Douglas Pavlicek, arrêté pour accusation de vol à main armée, - lors de la guerre du Vietnam, après une chute en parachute, il a été sauvé par un figuier géant, et des années plus tard il est en colère face à la destruction des forêts nationales. Il y a aussi Neelay Mehta, fils d'expatrié indien, infirme suite à la chute d'un arbre, qui est génie informatique à l'origine d'un jeu de rôle planétaire ; Patricia Westerford, passionnée de forêt, docteur en botanique ; et Olivia Vandergriff, qui après avoir été électrocutée au sortir de sa douche, se met en recherche des signes que les êtres végétaux lui font parvenir. Déjà dans leurs destinées des arbres se sont immiscé, et sans le savoir, ce sont eux qui vont les réunir...

Comme son titre le laisse penser, L'arbre-monde est un roman qui veut embrasser grand, de la terre jusqu'au ciel. L'ouvrage est en effet divisé en quatre sections : racines, tronc, cimes et graines. Ecrit avec une plume érudite, exigeante, souvent poétique, il réclame de s'y plonger corps et âme.

Extrait :

"Mais les tulipiers, solennels comme des prêtres, continuent à stimuler son système immunitaire, tandis que les hêtres égaient son humeur et affinent ses pensées. Sous ces géants, elle est plus intelligente, plus lucide. Elle voit un kaki à écorce d'alligator. Des boules de copalme, telles de minuscules masse d'armes médiévales, craquent sous ses pieds. Elle arrache juste la pointe d'une feuille tombée et la hume : pour un enfant, l'arôme du paradis. Il y a un vénérable chêne rouge non loin de la piste, qui doit faire au bas mot quatre mètres de circonférence. Il pourrait soulager même la terrible agitation provoquée par l'invitation. L'avenir durable. Ils n'ont pas envie d'une femme des bois pour leur conférence inaugurale. Ce qu'il leur faut, c'est un illusionniste. Un romancier de SF. Le Lorax. Ou peut-être un guérisseur haut en couleur avec des épiphytes en guise de cheveux."

Il m'a été difficile de suivre ces vies multiples, ce roman choral. Il s'achève sur une lutte entre groupe d'activistes écologiques et bûcherons devant abattre un certains nombre de grands individus, de ceux-là même qui passent leur vie à nous oxygéner et à créer un monde sous terre. Une lutte dramatique que l'auteur porte en symbole des combats que nous traversons, et que la Nature perd... pour l'instant. Un roman sombre qui épouse les thèses de l'effondrement à venir, mais un roman qui sublime certains êtres, qu'ils soient de sang ou de sève, pour faire accepter avec davantage de sérénité et de bonheur l'ère prochaine où le monde des arbres qui a précédé l'existence de l'Homme reprendra tous ses droits. Peut-être que j'aurais davantage aimé lire un essai sur la cause, ou un poème exaltant.

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