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(Anthologie permanente) Geoffrey Squires, XXI poèmes

Par Florence Trocmé


Geoffrey Squires  XXI poèmesDepuis Sans titre, paru en 2013, ce recueil de poèmes est le septième livre de Geoffrey Squires traduit et édité par François Heusbourg. Une belle et talentueuse fidélité à ce poète irlandais vivant en Angleterre, à Hull, après avoir enseigné aux États-Unis, en France et en Iran, où je fis sa connaissance en 1967. Geoffrey Squires continue d'ailleurs à traduire des poètes iraniens. Ce recueil est antérieur aux autres titres, puisque paru en 1980. « Une suite de poèmes qui forment un ensemble continu et se recentrent sur les sens et la perception du monde ».
Alain Lance
 
Forts chants d'oiseaux, nous sommes assourdis
 
par chaque craquement de feuille morte sous le pied
 
 
 
dans les arbres tout est silence et feuilles tombantes
 
errant une à une vers le sol
 
avec un faible souffle d'air
 
 
Birdsong is loud, we are deafened
 
by each crunch of dry leaf underfoot
 
 
 
in the trees all is silence and leaves falling
 
one by one wandering to the ground
 
with a faint gasp of air
 
*
 
Comme quand nous sommes face à un arbre ou une plante
 
avec la forte sensation qu'il pourrait parler
 
 
 
s'il n'avait pas été soudain frappé de mutisme
 
à l'instant, où n'avait oublié
 
tout ce qu'il était sur le point de dire
 
 
 
et nous attendons
 
 
As when we stand in front of a tree or a plant
 
with the strong feeling that it would speak
 
 
 
if it had not suddenly been struck dumb
 
a moment before, or forgotten
 
everything that it was going to say
 
 
 
and we wait
 
*
 
Tout est au premier plan
 
regarde par exemple ce buisson, cette aubépine
 
qui pousse à même la haie, note
 
les petits, les délicats bourgeons, la luisante
 
tige noire
 
 
 
si robuste, résistant aux éléments
 
si fonctionnelle, laissant juste
 
passer les plus petits animaux
 
si dense et profondément enracinée
 
 
 
tout est au premier plan
 
la voix bourdonne
 
 
 
soudain je me sens terrifié
 
et cherche à me sortir de là
 
 
Foreground is everything
 
take for example this bush, this hawthorn
 
growing as part of the hedge, note
 
the small, delicate blossoms, the shiny
 
black stem
 
 
 
how hardy it is, resisting all weathers
 
how functional, letting only
 
the smaller animals through
 
how tight-knit and deep-rooted
 
 
 
foreground is everything
 
the voices drones on
 
 
 
suddenly I am terrified
 
and look to climb out
 
*
 
Arbres blancs miroitants
 
aveuglants dans leur blanc miroitement
 
devant la maison, par-delà le portail et le mur
 
dissimulant à demi ce qu'il y a derrière
 
eux qu'on ne peut oublier
 
 
 
l'ensemble vu comme de l'intérieur
 
d'une chambre noire, camera oscura
 
 
 
tout est mouvement sans pourtant de mouvement
 
si lumineux qu'ils annulent l'éblouissement de la route
 
 
Shimmering white trees
blinding in their white shimmering
in front of the cottage, above the gate and wall
half-hiding what is behind
these not to be forgotten
the whole seen as from inside
a dark room, a c
amera oscura
all movement and yet no movement
so bright that they throw down the road's glare

Geoffrey Squires, XXI poèmes, traduit de l'anglais (Irlande) par François Heusbourg, Éditions Unes, 2021, bilingue, 56 p., 15€
Geoffrey Squires est né en 1942 en Irlande. Après un diplôme d’anglais à Cambridge, il obtient un doctorat de psychologie éducative à Edimbourg.  Il a travaillé durant plusieurs années dans diverses universités en Iran, en France et aux États-Unis. Il a enseigné à l’université de Hull et a été longtemps consultant pour l’OCDE. Il publie en 1975 Pierres noyées, recueil éclaté et cosmopolite, remarqué pour son innovation formelle héritée de la poésie américaine de l’époque – notamment Charles Olson et les poètes de Black Mountain – en réaction à la poésie irlandaise lyrique de l’après-guerre. Viennent ensuite Silhouettes en 1978 et XXI Poems en 1980, poésies de la perception et de la conscience immédiate qui trouvent un premier aboutissement dans Poème en trois sections en 1983. Poète du corps en mouvement dans l’espace, de l’évocation des lieux, des paysages et des associations mémorielles, Squires conduit sa poésie vers l’abstraction dans les années qui suivent, avec Paysages et Silences en 1996 ou la série Sans titre au tournant des années 2000. Il est également traducteur de poésie persane, française, et gaélique. (Site de l’éditeur)


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