Magazine Beaux Arts

L’insoutenable pesanteur de l’artiste

Publié le 27 juillet 2008 par Magda

“Le Journal d’un Fou” de Nicolas Gogol, au Studio d’Asnières

Faut-il être dingue pour être artiste?

On entend beaucoup cette phrase, “ah, il est fou, c’est un artiste!”. Et il est vrai que si l’on regarde un peu derrière nous, cela n’augure rien de bon en ce qui concerne la santé mentale des artistes de tout poil. Van Gogh. Woody Allen. Mozart. Kafka. Sarah Kane. Olivier Py. Brigitte Fontaine (”Je suis vieille et je vous encuuuuuuuuuuule!” criait-elle récemment sur la scène du Comedy Club sous mes yeux effarés et fascinés). Et tant d’autres!

Penchons-nous, puisque ce blog est littéraire, sur le cas de l’auteur. Paul Auster a deux appartements : celui qu’il partage en famille et celui qu’il loue, sans téléphone ni Internet, pour écrire comme un malade nuit et jour. Faut-il se couper du monde pour bien écrire? Ecrire, n’est-ce pas un acte de pure folie, tout simplement? L’auteur tire toute la nourriture de lui-même (même si cette nourriture est issue du monde qui l’entoure, elle est totalement digérée par lui). Il passe des mois et des mois, voire des années dans son monde intérieur pour ensuite recracher tout cela dans un bouquin (ou scénario, ou essai, etc.) de façon absolument solitaire. Un moine sans la paix du monastère, en somme. Et puis, ce sacerdoce : vivre sans argent, juste pour un brin de laurier espéré…

Comme presque tout le monde, j’ai le sentiment que c’est dans la fêlure de nos âmes que l’on trouve les plus belles choses. C’est souvent dans la souffrance que sont nés les plus grands poèmes, les proses les plus puissantes. Même les comédies n’échappent pas à cette règle (j’en sais quelque chose, hem). Ecrire, même pour faire rire l’autre, c’est arracher de soi la tumeur qui vous pourrit lentement, et accepter bizarrement qu’un autre cancer vous gagne, pour, à nouveau, l’extirper de votre esprit. Le mythe de Sisyphe n’est pas loin. Chaque accouchement est un recommencement.

Le plus incroyable, c’est que cette souffrance si intime, si petite aux yeux du monde, l’artiste arrive à la faire vivre de manière grandiose et à la partager avec un public, même restreint ; et que ce lectorat, de voir ses propres malheurs refoulés ainsi exposés et enflés, y trouve un soulagement et un plaisir extrême. Ceux qui ont déjà écrit et publié, ou joué sur une scène, ou fait écouter un de leurs morceaux, savent à quel point ce phénomène dépasse l’auteur de l’œuvre. On a produit mais on est dépossédé. L’enfant né de vous se promène dans le monde en butte à toutes les attaques possibles comme à toutes les amours imaginables. C’est cela qui rend fou, n’est-ce pas? Quelle mère, quel père pourrait laisser son fragile nouveau-né sur un coin de trottoir?

A ceux qui ne créent pas de façon volontaire et professionnelle et côtoient des artistes, je dirais : pardon. Pardon pour nos folies, nos humeurs, nos réactions incontrôlables. La nourriture de la création est dans la brèche : nous n’y pouvons rien. Mais à ceux qui aiment notre travail, si médiocre soit-il, je dirais : merci pour ton indulgence, car tu es plus heureux que moi!

PS : j’ai repris les petites histoires du Bic dans l’oeil… et cette nuit (mais oui, j’écris de nuit, je me la pète artiste maudit, oui ou non?) c’est la photo d’Alexandre qui se voit interprétée.


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