Magazine Culture

Betty – Tiffany McDaniel

Publié le 16 mai 2021 par The Cosmic Sam @thecosmicsam

On se retrouve aujourd’hui pour une nouvelle chronique qui me tient particulièrement à coeur. Il s’agit de celle du roman « Betty » de Tiffany McDaniel. Un livre dont j’avais lu beaucoup de bien et que j’ai offert avant de découvrir moi-même.

J’avais déjà eu un gros coup de coeur pour un roman publié par la maison d’édition Gallmeister avec « My absolute darling » (dont je vous parlais ici). Je partais donc déjà dans de bonnes dispositions en ouvrant « Betty ». D’autant plus que le sujet abordé m’intriguait : celui de l’enfance et du passage à l’âge adulte d’une jeune amérindienne dans une Amérique des années 60 gangrénée par les préjugés raciaux.

Mais quelle claque ce livre ! Si je pensais apprécier sa lecture, je ne me serais pas doutée de l’énorme coup de coeur qui m’attendait.

« Betty » se classe incontestablement dans le palmarès de mes meilleures lectures depuis un bon bout de temps. Il va donc être ardu de lui rendre hommage (et de passer à une autre histoire…)

Le livre : « Betty » (ici)

Betty – Tiffany McDaniel

Crédit photo : L&T

L’autrice : Tiffany McDaniel est une romancière, poétesse et artiste américaine. Autodidacte sans formation universitaire particulière, elle écrit de nombreux textes non publiés avant que son premier roman, « L’Été où tout a fondu » soit finalement accepté par un éditeur. Son deuxième roman « Betty » a reçu le prix du roman Fnac 2020 et le Prix America du meilleur roman 2020.

Pour la suivre c’est ici !

Le résumé : “Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l’histoire qu’il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne.” La Petite Indienne, c’est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, après des années d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et soeurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’écriture : elle confie sa douleur à des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des années. Pour qu’un jour, toutes ces histoires n’en forment plus qu’une, qu’elle pourra enfin révéler. Betty raconte les mystères de l’enfance et la perte de l’innocence. À travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne naissance à une héroïne universelle ».

Mon avis : Dès le prologue, on apprend que ce livre est inspiré de la vie de la mère de son autrice, Tiffany McDaniel, on se sent ainsi tout de suite plus concernés par ce qu’on va y trouver.

Au fil des pages, on découvre donc Betty et sa famille nombreuse :

  • Alka, la mère : une femme qui s’avère dure à cerner. Passionnée, en quête de liberté et d’un bonheur qui semble hors de sa portée. Tantôt mère attentionnée, tantôt persécutrice envers son mari et ses enfants, Betty semble d’ailleurs être la plus visée par ses accès de cruauté ;
  • Landon, le père : le mur porteur de la famille Carpenter et, selon moi, le véritable héros de ce livre. Issu de parents, tous deux Cherokee, il a à coeur de préserver et de transmettre son héritage culturel en dépit de toute la violence raciale qu’on lui oppose en retour. Amoureux de la nature, guérisseur des maux et surtout des âmes, conteur hors pair, fait pour être père. Il constitue le tuteur sur lequel s’accroche ses enfants, tels des herbes folles ;
  • Leland, le frère ainé qui semble chercher sa voie sans trop savoir qui il est ;
  • la douce Fraya qui berce ses frères et soeurs par ses chansons, qui confectionne des lotions aux pissenlits et qui envoie ses prières aux aigles ;
  • Flossie qui se rêve star hollywoodienne mariée à Elvis Presley ;
  • Justin, tendre artiste en herbe et casse-cou ;
  • Lint, petit dernier de la fratrie, sujet à des crises d’angoisse et à des troubles obsessionnels compulsifs, mais également collectionneur de cailloux et passionné d’Histoire.

Et bien sûr, parmi tous ses frères et soeurs qui ont, majoritairement, pris les traits et la couleur de peau de leur mère, il y a Betty, la petite indienne comme ils la surnomment. Avec son teint mat, ses longs cheveux noirs et ses yeux en amande, elle est incontestablement la fille de son père. Cela lui vaudra malheureusement du rejet, des persécutions et un grand sentiment de solitude. C’est, malgré tout, ce qui lui permettra de développer sa résilience et d’être « la soeur la plus forte du monde » comme lui dit Lint. C’est, de surcroît, ce qui va la pousser à grandir bien trop vite, à ouvrir les yeux sur son entourage et à coucher ses sentiments sur le papier afin de transcender la souffrance.

Malgré leurs défauts, tous ces personnages se veulent attachant à leur manière. Ils évoluent dans une atmosphère bien particulière. Celle de Breathed, petite ville qui porte mal son nom tant elle peut s’avérer étouffante avec ses traditions, l’omniprésence de la religion, et ses qu’en dira-t-on. Pourtant, la ville peut également se métamorphoser et devenir grandiose avec ses paysages : aux confins des montages Appalachiennes, bordée de forêts, terre agricole en transition (comme ses habitants), ce décor fait partie intégrante de l’histoire et en est un personnage à part entière.

En parlant de transition, Betty y est plongée pour le meilleur et pour le pire. Tiraillée entre l’innocence de l’enfance à laquelle elle devrait appartenir et la terrifiante réalité du monde adulte dans laquelle certains n’ont de cesse de vouloir la pousser.

Ne vous y détrompez pas, ce livre est dur : racisme, abus, violences sexuelles, difficultés financières sont des thèmes qui y sont abordés. Malgré la brutalité des évènements auxquels on est confrontés, l’histoire n’en reste pas mois belle, notamment grâce à l’imagination débordante de ce père qui enjolive le quotidien, qui se veut fabricant de rêves (et de poudre aux yeux).

Mythes et légendes sont récurrents, ils nous rappellent l’importance de la tradition orale dans la culture amérindienne, sa beauté également : connectée à la nature, vénérant les femmes en reconnaissant leur force et leur puissance créatrice.

Et pourtant qu’est-ce qu’elles sont maltraitées les femmes dans ce livre et dans cette vie…

Je salue la beauté des mots de Tiffany McDaniel qui sait si bien nous raconter cette multitude d’histoires, ses vies brisées, leur maux mais aussi la lumière et la grâce que l’on peut parfois trouver là où on ne l’attend pas : dans les ténèbres de l’existence (un article entier de « mes citations littéraires préférées » (ici) lui sera d’ailleurs prochainement dédié)…

Si ce livre fait 700 pages, je n’ai pas pu le lâcher une fois commencé et je l’ai terminé en une semaine à peine. Je sais que « Betty » va me coller à la peau pendant un bon moment. Je vais, en tout cas, découvrir avec plaisir le précédent livre de Tiffany McDaniel et m’attarder davantage sur le catalogue de Gallmeister qui semble abriter quelques pépites.

En bref : Une claque littéraire et un hymne à la nature. Je ne pensais pas qu’une histoire si douloureuse pouvait être racontée avec autant de beauté. Une tragédie Américaine que vous devriez foncer découvrir.

Vous aviez déjà entendu parler de « Betty » ? J’espère vous avoir donné envie de le découvrir. Vous avez d’autres romans du catalogue Gallmeister à me recommander ?


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


The Cosmic Sam 2000 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine