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(Note de lecture), Amy Clampitt, Un silence s'ouvre, par Vianney Lacombe

Par Florence Trocmé

Clampitt_unsilencesouvreLe monde dans lequel nous vivons n’est qu’un de ceux qui existent et poursuivent  leur évolution parallèlement à la nôtre : les poèmes d’Amy Clampitt parlent des rapports lointains que nous entretenons avec eux, de notre histoire beaucoup plus brève que celle de la flore et des oiseaux dont elle décrit les immenses réactions au sein des paysages sauvages dans lesquels ils se déploient dans de gigantesques voltes qui se froissent comme des drapeaux sous le souffle du vent arctique, ou cette prolifération soudaine de pollens et de pétales suspendues poudreuses comme de la neige, qui transforment au printemps pendant une semaine ou deux la transparence de l’atmosphère en constellations de lumières, la simplicité périssable du hiéroglyphe de chaque fleur qui se livre dans les vapeur du Bayou, les oiseaux disparus revenus comme des nouveau-nés de l’extinction de l’espèce, tous ces acteurs de la vie cachée des espaces protégés de la nature, Amy Clampitt ne se lasse pas de nous en parler, ainsi que de la disparition future de notre présence, celle qui nous guette tous, dans un thrène consacré à la mort d’un jeune homme de 20 ans :

  ce soir-là, les jeunes athlètes
   en tenue blanche impeccable, le poc
   de la batte, le clapotis des applaudissements – comme si
le sport à l’état pur avait fermé la porte à
la fièvre et aux grelottements, à la nausée, aux hémorragies,
   à toute l’obscénité de mourir jeune

Ô, ou de mourir à quelque âge que ce soit, par degrés
   ou par accident : d’être vivant
n’est rien qu’une embuscade
…( Quatre-vingt-neuf, p.77)
comment accepter cette disparition, quelle que soient les consolations que nous appelons à notre secours, notre jargon de connaissance et de gestion ne sont rien face à l’absolue gratuité de ce désastre pour lequel
   personne n’est jamais
prêt : un jour à la fin de l’été,
une voiture sortie de route, un cri
mutilant et incendiaire, et pour quatre jeunes athlètes,
   sans annonce tout est fini.
(ibid. p.77)
La poésie d’Amy Clampitt montre que nous occupons l’espace dans lequel nous vivons d’une manière menaçante pour les autres habitants de la planète. Notre mémoire est défaillante, elle s’est séparée de celle des autres espèces vivantes, et si nous savons maintenant définir et classer tous les habitants de la terre, il est un tout autre espace auquel nous n’avons pas accès : celui que décrit Amy Clampitt est le plus ancien de tous, dans lequel les hommes, les animaux et leurs arbres étaient un seul évènement présent à la surface de notre planète, et nous nous sommes retirés, nous les avons encerclés de notre savoir, réduits, abrogés, sans réussir pour autant à nous séparer du destin commun de toutes les espèces vivantes : la mort nous a vaincus, nous précipitant dans un deuil glaciaire, dans l’oubli de la résurrection terrestre portée par chaque espèce.
Vianney Lacombe
Amy Clampitt, Un silence s’ouvre, traduit de l’anglais (États-Unis) par Gaëlle Cogan, préface de Calista McRae, édition bilingue, Éditions Nous, collection Now, 192 p., 18€

Poezibao propose ce poème du livre, en version bilingue, à découvrir en cliquant sur ce lien.


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