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Courbet champêtre

Publié le 28 juillet 2008 par Savatier

Lorsqu’un musée de province réalise une belle acquisition, c’est un événement qu’il convient de souligner. Or, le musée départemental Gustave Courbet d’Ornans vient d’enrichir sa collection d’une toile tout à fait intéressante, Les Amoureux dans la campagne (65 x 81 cm). Cet achat de l’Institut Courbet a été entièrement financé par ses ressources propres et le mécénat, pour un montant de 150.000 €, un prix très raisonnable compte tenu de la cote du peintre.

Le tableau, qui figurait déjà sur l’affiche de l’exposition organisée en 2007 au musée Courbet, fut réalisé en 1873. Juliette, la sœur du peintre, le conserva jusqu’à sa mort et le légua à deux amies, Mmes de Taste et Lapierre, qui s’en séparèrent en 1934.

Sa fraîcheur et l’inspiration romantique de son thème – deux amoureux allongés au pied d’un chêne dans la campagne – contrastent nettement avec la vie difficile de l’artiste à cette époque. L’année 1873 sera en effet pour lui particulièrement sombre. Les œuvres qu’il avait déposées chez le galeriste Paul Durand-Ruel sont confisquées par l’Etat ; c’est là l’une des conséquences de la destruction de la colonne Vendôme qui lui fut injustement imputée. En mai, une aventurière « rouleuse d’hommes en vogue », amie de Gambetta et de Dumas fils, Mathilde Montaigne Carly de Svazzena, tente de le faire chanter en le menaçant de publier des lettre érotiques qu’il lui avait écrites lors de leur courte liaison. A la fin du même mois, l’Etat ordonne la saisie de ses biens, ce qui le conduit, le 23 juillet, à s’exiler en Suisse. Si le tableau nouvellement acquis par l’Institut Courbet a été peint sur le vif, il le fut donc vraisemblablement au printemps ou au début de l’été.

L’attitude des deux personnages ne reflète pas la quiétude des amoureux endormis l’un contre l’autre de La Sieste champêtre, dessin au fusain réalisé vers 1844 (musée de Besançon), ni de la première version de L’Homme blessé (uniquement visible grâce à la radiographie). Le couple semble plutôt converser sous les ombrages. Pour autant, l’œuvre procède de la même veine et pourrait évoquer, selon Jean-Jacques Fernier, conservateur du musée Courbet, « le souvenir du bonheur, une idylle de jeunesse, vécue trente ans auparavant, avec Lise, son amoureuse dont il avait gravé le nom sur le tronc du chêne qui abritait leurs émotions à Flagey. »

Comme je l’avais indiqué dans un article précédent (Expositions estivales, 30 mai 2008), le musée Courbet d’Ornans restera fermé pour d’importants travaux d’agrandissement jusqu’en 2010, mais les visiteurs pourront retrouver les œuvres du maître non loin de là, à la très belle Saline royale d’Arc-et-Senans, dans le cadre de l’exposition « Courbet en Résidence, collections du Département du Doubs et de l’Institut Courbet », jusqu’à la fin de l’année.


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