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(Note de lecture), Pierre Garnier, Perpetuum mobile, par Marianne Simon-Oikowa

Par Florence Trocmé

(Note de lecture), Pierre Garnier, Perpetuum mobile, par Marianne Simon-OikowaL'herbe qui tremble a publié récemment un nouveau volume d'œuvres de Pierre Garnier, intitulé Perpetuum mobile dans lequel on trouvera aussi, outre le recueil éponyme, deux ensembles plus petits, Secondes et Santerre. L'éditeur a déjà publié plusieurs ouvrages d'Ilse et Pierre Garnier, surtout connus comme les inventeurs du " spatialisme " au début des années soixante, ou consacrés à leur œuvre. Avec Perpetuum mobile, il offre au lecteur la réédition d'un recueil important d'abord paru chez Gallimard en 1968, qui fait pendant à Spatialisme et poésie concrète, texte théorique publié la même année chez le même éditeur.
Issu de deux recueils élaborés au cours des années soixante mais restés inédits, Minutes de poésie et Minipoèmes, Perpetuum mobile ne contient que des poèmes linéaires. Le recueil n'est pourtant pas sans lien avec la poésie spatialiste, dans laquelle le mot est " un élément ", " une matière ", " un objet " (" Manifeste pour une poésie nouvelle, visuelle et phonique ", 30 septembre 1962, Les Lettres, no 29, 1er trimestre 1963, p. 2). Dans sa présentation, Pierre Garnier souligne la grande économie de moyens qui caractérise ces poèmes, parfois composés de deux ou trois vers seulement, et dont certains vers ne comptent eux-mêmes qu'un ou deux mots : " Un e muet : / la mer. " (p. 47). La thématique du recueil est le " fil de la vie aperçue, suivie, interrogée, dite, de la façon la plus objective possible " (p. 7). On y trouve, sous une forme particulièrement condensée, les thèmes chers au poète : la nature, les animaux et notamment les oiseaux, les marionnettes de Picardie, la cathédrale Notre-Dame d'Amiens, entre autres, dont la sculpture la plus célèbre, la " Vierge dorée ", est évoquée dans le poème final : " Elle est / le point du jour. / Légèrement déhanchée / comme un arbre portant trop - / ainsi l'enfant / qu'elle replace sur la pesanteur / la secoue / et légère / elle semble déjà monter / dans l'étoile / partagée par la mer / [...]. " (p. 118). Le recueil circula. Sept de ses poèmes furent même traduits en japonais par le poète Kitasono Katsue dans les numéros 118 (mars 1969) et 119 (juin 1969) de sa revue VOU, tel celui-ci : " La lune / ne ressemble-t-elle pas à notre poésie ? / si morte / si claire ? " (p. 13).

Secondes
, recueil d'abord paru en 1967 en Allemagne sous le titre Sekunden (édition bilingue franco-allemand, traduction d'Ilse Garnier), et Santerre, écrit en 1971 mais resté inédit jusqu'à aujourd'hui, partagent avec Perpetuum mobile le thème de la nature, la forme linéaire et une commune esthétique de la concentration. De Secondes à Perpetuum mobile on devine le cheminement du poète, qui reprend même, de l'un à l'autre, quelques vers : " Je me compose et me décompose / autour de l'éternité ". Santerre, qui évoque une plaine de Picardie particulièrement éprouvée pendant la Première Guerre mondiale (le poète sous-titre son recueil " description d'une plaine ", p. 37), frappe par l'usage des blancs internes, qui donnent aux poèmes une allure à la fois très aérée et savamment destructurée, à l'opposé de la linéarité immédiatement associée au mot " plaine " : c'est un monde circulant entre terre et ciel qui est donné à voir, dans l'espace même de la page.
Il faut saluer ici le double choix de L'herbe qui tremble, celui d'associer ces trois recueils dans un même ouvrage où leur cohérence apparaît de manière évidente, et celui d'avoir respecté au plus près la mise en page des publications originales. Dans Secondes, la présence quasi systématique de deux poèmes par page, tous numérotés, confère au recueil son rythme, on serait tenté de dire sa scansion particulière. Dans Perpetuum mobile, où chaque page contient un poème ou quelques strophes, le lecteur suit, d'une notation à une autre, le cours d'une observation-méditation qui l'invite véritablement à un mouvement perpétuel. Belle leçon d'édition, au service d'une expérience de lecture incomparable.
Marianne Simon-OikawaUniversité de Tokyo,
Centre d'étude de l'écriture et de l'image
Pierre Garnier, Perpetuum mobile, L'herbe qui tremble, 2020, 178 pages, 14 €

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