Au fil de ses numéros semestriels, la revue de l'écriture intime Les Moments littéraires est décidément passionnante. Alors que Simone de Beauvoir et Sartre ne sont pas ma tasse de thé, j'ai été néanmoins très intéressé par ce numéro spécial Beauvoir, riche d'informations sur la vie littéraire parisienne de l'après-guerre et sur la naissance de l'oeuvre de l'auteure.
Simone de Beauvoir a été toute sa vie une grande diariste, mais de manière intermittente. Deux extraits de son Journal sont reproduits, datant des années 45 et 46. Dans l'euphorie de la Libération et de l'émergence de sa notoriété littéraire, elle prend plaisir à transcrire le foisonnement de son existence et « ce goût pathologique de la vie » qu'elle pense tenir de sa mère. Elle se trouve au centre de ce bouillonnement intellectuel, artistique et politique de Saint-Germain-des-Prés, au milieu d'un tourbillon d'amis et de connaissances. Tous fréquentent le Café de Flore et Les Deux Magots, Beauvoir y travaille, y corrige les épreuves de ses livres, y reçoit ses amis, y vit. C'est leur quartier général. Déjà ils rejettent Camus. « On a parlé de Camus qui ne se décide toujours pas à sortir son livre et Genet a dit, ce qui est très juste : « Ce qu'il y a avec Camus, c'est qu'il croit qu'il est déjà Camus ». Bost est complètement dégoûté de Camus et il a achevé de nous en dégoûter Sartre et moi. »
Elle part pour l'Espagne et le Portugal. Comme elle sort d'une France en ruines, appauvrie, affamée, d'un monde de la rareté où vêtements et aliments sont parcimonieusement limités en échange de tickets, la première chose qui la frappe à Madrid, c'est l'abondance, le luxe oublié des magasins regorgeant de nourritures et de produits. Mais dans les quartiers plus éloignés, elle découvre une grande misère.
Elle parle de certaines filles qui draguent Sartre. « Au lieu de penser qu'un type a toujours un peu envie de baiser une femme jeune et jolie, et que ça ne prouve rien, elles jouent du cul et après ça elles prennent le désir du type pour un amour d'âme. Sartre me fait remarquer que si les hommes se mentent moins touchant les femmes, ils mentent sur leur carrière, leur valeur, etc. C'est juste. Mais ils se mentent, tandis que les femmes sont menties, elles appellent le mensonge de l'homme ; c'est lié à leur situation de dépendance bien sûr. Décidément je voudrais écrire sur les femmes. »
Elle écrira Le Deuxième Sexe, trois ans plus tard.
Dans La Force des Choses, elle évoque à plusieurs reprises Blossom Douthat, une jeune américaine qui, au cours d'un séjour en France, lui écrit et la rencontre. Pleine d'admiration pour Simone de Beauvoir devenue son idole et sa maîtresse à penser, Blossom tiendra un journal de 17 volumes (7000 pages) qu'elle laissera à Beauvoir (qui le juge « extraordinaire et extravagant ») avant de retourner aux États-Unis. Les Moments littéraire en publient l'année 1958.
La revue livre aussi un extrait du Journal de Benoîte Groult, daté de 1964. Sa fille, Blandine de Caunes, souligne dans son introduction que « le journal intime est depuis toujours une tradition familiale chez les Groult. Nicole, ma grand-mère, avait décrété que ses filles avaient deux obligations chaque soir : se laver les dents et écrire leur journal qui, régulièrement, devait lui être lu à haute voix... »
Les Moments littéraires, 16 €, BP 90986, 75829 Paris Cedex 17.
Au fil de ses numéros semestriels, la revue de l'écriture intime Les Moments littéraires est décidément passionnante. Alors que Simone de Beauvoir et Sartre ne sont pas ma tasse de thé, j'ai été néanmoins très intéressé par ce numéro spécial Beauvoir, riche d'informations sur la vie littéraire parisienne de l'après-guerre et sur la naissance de l'oeuvre de l'auteure.
Simone de Beauvoir a été toute sa vie une grande diariste, mais de manière intermittente. Deux extraits de son Journal sont reproduits, datant des années 45 et 46. Dans l'euphorie de la Libération et de l'émergence de sa notoriété littéraire, elle prend plaisir à transcrire le foisonnement de son existence et « ce goût pathologique de la vie » qu'elle pense tenir de sa mère. Elle se trouve au centre de ce bouillonnement intellectuel, artistique et politique de Saint-Germain-des-Prés, au milieu d'un tourbillon d'amis et de connaissances. Tous fréquentent le Café de Flore et Les Deux Magots, Beauvoir y travaille, y corrige les épreuves de ses livres, y reçoit ses amis, y vit. C'est leur quartier général. Déjà ils rejettent Camus. « On a parlé de Camus qui ne se décide toujours pas à sortir son livre et Genet a dit, ce qui est très juste : « Ce qu'il y a avec Camus, c'est qu'il croit qu'il est déjà Camus ». Bost est complètement dégoûté de Camus et il a achevé de nous en dégoûter Sartre et moi. »
Elle part pour l'Espagne et le Portugal. Comme elle sort d'une France en ruines, appauvrie, affamée, d'un monde de la rareté où vêtements et aliments sont parcimonieusement limités en échange de tickets, la première chose qui la frappe à Madrid, c'est l'abondance, le luxe oublié des magasins regorgeant de nourritures et de produits. Mais dans les quartiers plus éloignés, elle découvre une grande misère.
Elle parle de certaines filles qui draguent Sartre. « Au lieu de penser qu'un type a toujours un peu envie de baiser une femme jeune et jolie, et que ça ne prouve rien, elles jouent du cul et après ça elles prennent le désir du type pour un amour d'âme. Sartre me fait remarquer que si les hommes se mentent moins touchant les femmes, ils mentent sur leur carrière, leur valeur, etc. C'est juste. Mais ils se mentent, tandis que les femmes sont menties, elles appellent le mensonge de l'homme ; c'est lié à leur situation de dépendance bien sûr. Décidément je voudrais écrire sur les femmes. »
Elle écrira Le Deuxième Sexe, trois ans plus tard.
Dans La Force des Choses, elle évoque à plusieurs reprises Blossom Douthat, une jeune américaine qui, au cours d'un séjour en France, lui écrit et la rencontre. Pleine d'admiration pour Simone de Beauvoir devenue son idole et sa maîtresse à penser, Blossom tiendra un journal de 17 volumes (7000 pages) qu'elle laissera à Beauvoir (qui le juge « extraordinaire et extravagant ») avant de retourner aux États-Unis. Les Moments littéraire en publient l'année 1958.
La revue livre aussi un extrait du Journal de Benoîte Groult, daté de 1964. Sa fille, Blandine de Caunes, souligne dans son introduction que « le journal intime est depuis toujours une tradition familiale chez les Groult. Nicole, ma grand-mère, avait décrété que ses filles avaient deux obligations chaque soir : se laver les dents et écrire leur journal qui, régulièrement, devait lui être lu à haute voix... »
Les Moments littéraires, 16 €, BP 90986, 75829 Paris Cedex 17.