
J'avais découvert l'endroit avant la crise sanitaire et j'avais été enchantée. Par l'accueil, l'esprit, la cuisine. Dans mon souvenir le restaurant a fonctionné longtemps mais en fait non. Il n'est resté ouvert qu'à peine trois mois avant de devoir se refermer sur lui-même.
Du coup la réouverture a été vécue par l'équipe comme une ouverture. D'autant qu'il n'était pas possible de faire de la vente à emporter. Ç'aurait été s'éloigner de ce que la maison promet à ses clients, car le bonheur n'existe que s'il est partagé qui est la devise du patron.
Je suis revenue au Comptoir des Fables avec plaisir et je n'ai que des sentiments positifs.
Romain Calvo, qui en est toujours le directeur de salle, a bien raison d'être fier du travail accompli pendant cette "retraite" durant laquelle les aides gouvernementales ont été certes importantes (et appréciées) mais malgré tout a été source d'angoisse. La remise en question a été générale et en fin de compte positive. Beaucoup de changements ont été opérés.
L'endroit était une ancienne boucherie et deux salles avaient été conçues dans chambres froides. L'architecte avait prévu dès le début un plafond acoustique pour ne pas déranger le voisinage. On vient d'ajouter des extracteurs d’air comme le recommandent les autorités en terme de santé. Ils seront également utiles pour que, lorsqu’on emploie les barbecues (ce qui est le cas pour la cuisson sur table de plusieurs plats, par exemple la Basse Cote de Bœuf Normande rôtie, glacée à l'ail noir, pommes de terre grenailles), les vêtements des clients ne s’imprègnent pas des odeurs de cuisine. De plus ces extracteurs peuvent être utilisés pour le chauffage et la climatisation.
La décoration intérieure a été revue pour répondre au désir des clients de bénéficier de chaises plus confortables que celles qui étaient en chêne massif, belles mais un peu trop fermes. Désormais ils seront assis sur du velours.
Une grande banquette a été installée dans la première salle pour permettre d'accueillir une grande tablée tout en restant dans l’esprit tapas propose au lieu. Avec ces aménagements intérieurs, le nombre de places a été augmenté et passe à 60 ce qui fait un total de 100 couverts qui peuvent être réalisés concomitamment. La capacité a ainsi été multipliée par deux et parfois il est possible de faire deux services. Faites le calcul et comprenez que le quartier peut revenir sans crainte de se voir opposer une pancarte "complet".
Les 40 places gagnées (qui s’ajoutent aux trois petites tables déjà disposées sur le trottoir de la rue Saint-Dominique) sont en extérieur, et en terrasse, puisque c'était une des solutions proposées par la municipalité pour permettre la réouverture des restaurants en assurant une certaine sécurité à la clientèle. Bien sûr il y a des contraintes à respecter : interdiction d'occuper des places de livraison, ne pas dépasser 1, 30 m de hauteur de structure et ne pas opter pour un éclairage avec des branchements électriques. On a donc fixé des ampoules à led solaire. Il est également impératif de ne pas bloquer l’écoulement des eaux de ruissellement de pluie. On en comprend l’intérêt ces jours-ci. Et l'an prochain il y aura obligation d'employer uniquement du bois ignifugé. C'est déjà le cas pour le Comptoir.

Comme vous le savez peut-être la prolongation de l’autorisation d’utilisation des terrasses a été repoussée plusieurs fois. Désormais on pourra à Paris manger dehors jusqu'au 31 octobre. La mesure dispositif est gratuite pour compenser d'une certaine manière les pertes d'exploitation pendant la fermeture. mais considérant tout de même qu'elle a perdu des places de stationnement payant la ville a déjà annoncé qu'il faudra acquitter un forfait l'an prochain.
Beaucoup de restaurants maintiendront sans doute ces nouvelles habitudes. On peut imaginer que la capitale va se modifier un peu pour adopter le mode de vie sympathique "à la berlinoise" où l'on ne s'effraie pas de manger en extérieur, quitte à poser un plaid sur ses genoux. Le Comptoir a réfléchi à des système de chauffage et a fait poser un store rétroéclairé sur la façade qui protègera d'une éventuelle pluie fine (ou d'un soleil caniculaire).

La carte des vins a été revue en restant dans l’esprit de départ et sans changer de fournisseurs. On a cassé le code en passant de 12,5 cl à 14 cl mais en proposant aussi une contenance de 7 cl davantage adaptée aux tapas, et soit dit en passant, à la conduite automobile. La carte des vins au verre s'est étendue ce qui offre l'avantages de changer la façon d’apprécier le vin. Chaque convive peut, autour d'une même table, choisir le cépage qui lui plait.
Côté restaurant, on a installé un système unique en Europe, avec un alignement Coravin qui permet en appuyant simplement sur un bouton de verser en une fois la quantité souhaitée, et cela pour 20 références différentes. Une fine aiguille traverse le bouchon sans l’endommager et le remplissage s'effectue via un système d’aspiration. En parallèle, l’appareil injecte un gaz neutre dans la bouteille pour compenser le volume perdu en liquide. L'absence d’oxygène protège le vin contre l’oxydation. Il n’évolue plus. On évite les pertes car il arrivait qu'on doive ouvrir une bouteille pour un seul verre dégusté. Le reste de la bouteille risquait de s’oxyder et au pire de finir en vinaigre.

L'eau ne figure plus à la carte avec plusieurs références. On ne verra pas de camion livrer des bouteilles. Elle est filtrée au charbon actif et amenée en carafe sur les tables, plate ou pétillante et à un prix plus avantageux pour le client.
La réflexion s'est étendue au planning, à la gestion du personnel, et à la refonte du site qui est modifiable à la minute. Je salue le travail qui a été accompli de ce côté là, avec les magnifiques photos de Philippe Schaff qui font saliver d'avance. Mais le chef peut lui aussi ajouter un cliché in extremis pour illustrer une suggestion.
Parlons d'ailleurs de lui. Guillaume Dehecq le chef de cuisine a opéré une grosse remise en question car, malgré de très bons retours pendant les trois mois et demi de fonctionnement il a voulu profiter du retour à la maison pour se replonger dans les livres. Il a pensé qu'il serait salutaire de revenir aux recettes de base qui sont le noyau dur permettant ensuite la créativité. il a relu Auguste Escoffier par exemple.




















