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Thomas Pesquet

Par Tobie @tobie_nathan

Des nouvelles de l’invisible…

Tobie Nathan publié le 08 juillet 2021 3 min

Thomas PesquetArticle issu du magazine n°151 juillet 2021

Le spationaute français actuellement en mission dans l’espace est adulé. Avec ses photos de la Terre vue du ciel, il témoigne, à la manière d’un chaman, de ce que nous ne pouvons – ou préférons ne pas – voir.

C’est en 2016, le 17 novembre à 20h20 exactement, que naissait en France une passion pour un homme, vite partagée par les enfants, les lycéens, les hommes, les femmes, les savants, les curieux, les innocents… Bref, tout le monde ! 

Ce jour-là, Thomas Pesquet décollait à bord d’un vaisseau Soyouz pour rejoindre la Station spatiale internationale (ISS). Sur les photos, on le voit, le regard clair, presque celui d’un enfant, faire de la main un signe d’adieu. Depuis, son aura n’a cessé de croître, son nom de résonner. Le 23 avril dernier, le voilà reparti, cette fois à bord de la capsule spatiale Crew Dragon développée par SpaceX, société fondée par Elon Musk, pour assumer le commandement de l’ISS pendant six mois. Aujourd’hui, le spationaute français compte 2,4 millions d’abonnés sur Facebook, et au moins 1 million de passionnés suivent chacun de ses Tweets. Des spationautes, il n’en existe certes pas des centaines, mais tout de même, pourquoi déclenche-t-il, lui en particulier, un tel engouement ?

Dans l’ISS, comme ses collègues, il se livre à des expériences scientifiques, mais, lors de ses moments de liberté, il prend des photo­graphies – 85 000, rien que durant sa première mission. Il publie chaque jour les meilleures sur Twitter et sur Facebook. De beaux clichés de la Terre vue du ciel. Cependant, à la différence de celles que l’on peut regarder sur un atlas, elles sont commentées à la première personne. 

Thomas Pesquet nous donne des nouvelles du ciel. C’est que le ciel, pour nous autres Occidentaux, était traditionnellement habité par nos invisibles : les dieux d’abord, mais aussi les anges, toutes sortes de puissances – jusqu’au père Noël… Alors, si nous y avons envoyé un reporter, un ultramoderne Tintin…

Dans son livre Les Derniers Rois de Thulé (1955 ; dernière édition, Pocket, 2001), Jean Malaurie, ce magnifique ethnologue des régions arctiques, raconte que les Inuits, dont les communautés de quelques dizaines de personnes restent isolées durant de longs mois, expédient elles aussi un homme dans l’invisible, le chargeant de rapporter des nouvelles. Celui-là, qui voyage dans l’espace sans se déplacer, à l’aide de son petit tambour et de fumées, revient avec des informations bien réelles. La tante Unetelle, qui vit dans un village distant de plusieurs centaines de kilomètres, a accouché d’un garçon, le cousin Untel a été blessé par un ours. Et tous l’écoutent, et tous l’aiment et l’admirent.

Thomas Pesquet
Sur le twitter de Thomas Pesquet, avec la légende : « How it started, how it’s going »

Thomas Pesquet voyage lui aussi sans bouger. Sur les réseaux sociaux, il alterne les photos de l’espace ou de la Terre depuis les hauteurs avec celles de la capsule, où les astronautes cohabitent à onze. On le voit recroquevillé dans des espaces exigus, flottant en apesanteur. Et l’image s’impose. Tel un fœtus, il voyage dans une matrice, c’est pourquoi il ne craint rien, sourit toujours, parle positivement du monde. Il déambule dans un ventre.

Quelquefois, les Inuits chargent le chaman de découvrir, dans ce monde invisible où ils l’ont expédié, les causes du mal qui les accable sur Terre. Dans l’igloo, il reste là, couché. On le croit endormi, mais son esprit s’est échappé à la verticale par le trou du toit. Il s’en va sur la Lune consulter les invisibles.

Et Thomas Pesquet, lui, nous explique, depuis les étoiles, la source de nos malheurs, la minceur de l’atmosphère qui nous protège, la déforestation de l’Amazonie, l’embourbement des fleuves pollués, la noirceur des villes étouffées de fumée.

Mais j’ai également peur pour lui. Car si le chaman expédié sur la Lune revient avec des informations utiles, on l’encense ; s’il se trompe, on le tue.

Je n’aimerais pas que l’on fasse du mal à Thomas Pesquet. Moi aussi, je l’aime. 

—> à lire dans Philosophie Magazine


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