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Michaël Nerjat : Black Dragons Juniors

Par Gangoueus @lareus
Michaël Nerjat : Black Dragons Juniors

J’ai vu passer plusieurs publicités sponsorisées du documentaire de BRUTX sur les gangs de Paris. En particulier, l’opposition entre les skinheads et les Black Dragons dans les années 80 et au début des années 90. Le teaser, il faut le dire, alléchant, m’a donné envie de prendre un abonnement sur cette chaine atypique, pour en savoir plus sur cette opposition dont je ne connais pas l’histoire…

Black Dragons

Je me suis alors souvenu que j’avais un ouvrage, Black Dragons Juniors, qui me semblait lié à cette affaire. L’élément déclencheur d’une lecture peut se jouer sur ce genre de détail. Les blogueurs ont souvent une PAL (pile de livres à lire) excessive. Ils sont gourmands et ne finissent pas toujours leur assiette. Pourquoi n’ai-je pas lu ce livre plus tôt me diriez-vous ? Plusieurs auteurs m’ont conduit dans le contexte de la banlieue dans le milieu des gangs : Joss Doszen, Frankito, Wilfried N’Sondé. Les Black Dragons constituent toutefois une histoire singulière. Alors que le Rassemblement National tend à nous faire oublier la montée FN dans les années 80 avec ces violences racistes en France, en Ile-de-France, perpétrées par les skinheads, des jeunes des banlieues populaires s’organisent pour faire face à ces agressions. Les Black Dragons seront le fer de lance de cette initiative.

Black Dragons Juniors

L’histoire de Michaël au sein des Black Dragons Juniors constitue la trame de cette auto fiction ou de ce récit testimonial. Chacun trouvera l’équilibre nécessaire pour situer ce texte. Michaël est en année de BEP quand il rencontre sur un playground de Sartrouville des membres du gang. Le jeune homme qui va avoir 18 ans est impressionné par la présence, le style de ces jeunes. Il cherche alors à intégrer cette famille. Michaël Nerjat explique la démarche :
Michaël demeura intrigué, mais contemplait d’envie et d’admiration les six personnages flanqués devant lui. C’était un gang. Des gangs, il en avait déjà vu, mais uniquement dans les films hollywoodiens, Boyz’n’the Hood, New Jack City, Menace II Society étaient les films  qui lui revenaient en mémoire, mais ces types-là lui semblaient obscurs. Alors, lui, gamin de dix-huit ans croyait vivre un rêve éveillé. Son coeur se mit à tambouriner et les idées s’enchaînaient à vitesse grand V dans sa tête. Il avait toujours rêver d’intégrer un gang et voulait « être comme eux » . (p.9)
Pourquoi cette fascination me direz-vous ? On est en 1995, dans une banlieue française sous influence culturelle américaine. Michaël s’est construit dans une structure matrifocale. S’il a beaucoup d’admiration pour sa mère et qu’il tend à satisfaire ses désirs, à savoir une réussite scolaire, il a besoin de s’affirmer en tant qu’homme. Les Black Dragons Juniors, une fois son intégration validée, vont participer à l’émergence du grand mâle. Les Black Dragons continuent de former leurs jeunes élites avec la recette qui a fait leur succès dans les années 80. Conditions physiques, arts martiaux et autres sports de combats. Michaël prend du plaisir à décrire cet apprentissage et les premières castagnes.

L’épisode antillais

Il y a une rupture franche dans ce roman. Les fonctionnaires Antillais ont droit à des vacances cumulées tous les deux ans. Dans une interview, Michael Nerjat explique que sa mère y avait droit et que cela a participé à sa construction ces séjours réguliers aux Antilles. Dans le roman, il retranscrit très bien cette parenthèse enchantée qui le sort des murs de sa cité. Pour Michael, le personnage, ce sera l’enfer au paradis. Ce qui est intéressant, c’est de voir l’individu prendre de la confiance, de l’assurance par le biais de l’école de la rue. C’est quelque chose de saisissant dans l’évolution de Michael. Cela passe par l’arrogance, la violence que l’on pourrait estimer justifié du point de vue de l’écrivain.

Mon avis

Je ne vous raconterai pas les castagnes qui jonchent le texte. C’est l’élément que maîtrise Michael Nerjat. Il place le lecteur dans la peau d’un gladiateur souvent en mode survie. Et c’est une expérience saisissante. Mais elle pose aussi la question des violences qui pourraient être évitées. Le texte révèle des Black Dragons sous l’angle le plus basique du gang. Loin de cette organisation quasi-militaire s’étant initialement opposée aux  dérives des skinheads, les Black Dragons Juniors que décrit Michaël Nerjat sont des petites frappes au service d’une organisation criminelle. On peut voir ainsi le final du roman. Michael Nerjat nous happe par son écriture. On ne lâche pas l’histoire. C’est très bien raconté. Mais l’identification n’est pas envisageable avec Michaël. Que le personnage ne se remette pas en cause sur la portée de la violence qu’il déploie pourrait s’expliquer. Mais en commençant l’écriture de cet article, les informations nationales annonçaient la mort d’une jeune adolescente à Marseille victime collatérale des rixes suite à une fusillade. J’ai toutefois aimé l’univers de Michaël, le hip-hop et les sons musicaux, la voix créole de sa mère. Faites-vous votre idée.

Michaël Nerjat, Black Dragons Juniors

Editions Présence Africaine, 296 pages

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