Critique de Pan, d’après James Matthew Barrie, adapté par Irina Brook, vu le 14 juillet au Théâtre La Luna
Avec Marine Barbarit, Lola Blanchard, Maud Bonheur, Simon Cohen, Margaux Dupré, Margaux Francioli, Akrem Hamdi, Aymeric Haumont, Nicolas Ladjici, Charles Mathorez, Léa Philippe, Thomas Rio, Rony Wolff, dans une mise en scène du Collectif la Cabale
Quand Claire Bonnot, du blog Apartés Théâtre, m’a conseillé ce spectacle, j’avoue que je n’ai pas hésité longtemps. D’abord – et j’avoue que je ne sais pas bien pourquoi – parce que sans avoir jamais lu le Pan de James Matthew Barrie, c’est un texte que j’affectionne et je m’intéresse toujours aux créations qui lui sont rattachées. Ensuite, car je garde un excellent souvenir du Peer Gynt d’Irina Brook vu il y a quelques années aux Bouffes du Nord. Enfin, je dois dire qu’un peu de féérie n’est jamais de trop dans mes programmations du Off souvent lugubres.
Peter Pan, vous connaissez sans doute, c’est le chef des garçons perdus, ces enfants sans parents qui refusent de grandir et s’amusent entre eux, se moquent des pirates et du Capitaine Crochet. Peter Pan quitte parfois le Pays Imaginaire pour écouter les histoires que les mamans racontent à leurs enfants, et notamment celle que Mme Darling raconte à sa fille Wendy. Ce soir-là, les Darling sont sortis, Peter Pan parle à Wendy pour la première fois, et il la persuade de le suivre au Pays Imaginaire pour qu’elle devienne leur maman à tous.
Il y a d’abord la première scène, qui a quelque chose de magique. Toute la féérie que j’attendais est là. Quand Peter Pan (Nicolas Ladjici, comédien à suivre) arrive sur scène, j’ai l’impression de l’avoir toujours imaginé ainsi. Il est jeune et agile, la pesanteur ne semble pas avoir d’effet sur lui, on croirait presque à sa poudre de fée. La représentation de la fée Clochette sur scène est à la fois simple et géniale, je suis complètement sous le charme, et quand Peter invite Wendy et son frère à les suivre, j’ai envie de me lever, moi aussi, et de les accompagner au Pays Imaginaire.
Quand on découvre pour la première fois le Pays imaginaire, c’est à nouveau l’émerveillement. Les décors et les costumes, pourtant sans prétention, sont inventifs et soignés, mais ils ont surtout ce qu’il faut de créativité pour inviter au voyage en laissant l’imagination faire le reste. Ils créent aussitôt cette atmosphère particulière au milieu de laquelle évoluent les enfants perdus. Je suis sur un petit nuage de féérie et je me laisse porter.
Mais il y a quelques petites notes qui me font parfois retomber un peu de mon nuage. D’abord les apartés humoristiques et les jeux de mots du Capitaine Crochet, qui sont un peu lourds, mais c’est le personnage qui le veut. Puis le spectacle change un peu de registre. On n’est plus totalement dans la féérie, plutôt dans une grande colonie de vacances où l’on partage des références populaires communes : Michael Jackson, Cyrano, les Black Eyed Peas, la Casa de Papel. Les comédiens prennent un plaisir fou, ça se sent, c’est partagé avec les spectateurs qui chantent avec eux et je chante aussi mais cela me fait retourner dans la réalité, dans ma réalité, alors que j’étais venue pour rêver. C’est parfois un peu facile, néanmoins, rien à dire, ça prend.
Je comprends l’intention qui fait de ce Peter Pan un spectacle accessible à tous, enfants comme adultes. Moi qui voulais de la féérie, je commence par bouder un peu, par principe, mais les rires des enfants me portent et me dérident. Eux, ils s’en fichent du mélange des genres. Ils sont venus sans a priori, ils sont emportés, alors je me laisse aller aussi. Et j’ai quand même ma dose de féérie et de rêve : scéniquement, je n’ai rien à redire, le personnage de Clochette est une perfection absolue, les combats à l’épée sont très réussis. La dernière scène, à l’image de la première, nous emmène ailleurs, comme la douce fin d’un songe ou le commencement d’un nouveau. Et puis, franchement, treize comédiens au plateau, à Avignon, ça tient du rêve aussi.
A la fin du spectacle, les enfants courent sur scène pour faire des câlins aux comédiens. Comme image, il n’y a peut-être rien de plus beau. Bravo !