Critique de Normalito, de Pauline Sales, vu le 16 juillet au 11 Gilgamesh
Avec Antoine Courvoisier, Cloé Lastère, Anthony Poupard, dans une mise en scène de Pauline Sales
J’ai d’abord eu un gros coup de coeur sur le titre. Normalito, avant même de lire le résumé, j’ai senti l’histoire de super-héros super-normal, ou quelque chose du genre. J’ai senti le spectacle sur la différence, le point de vue de l’enfant, la vérité qui en sort, tout ça tout ça. Et même si le jeune public n’est pas forcément le domaine où je me sens le plus à l’aise, j’ai senti une authenticité – si, si, tout ça juste à travers le titre. Et c’est cette authenticité que je recherche au théâtre. Donc je ne me suis pas questionnée plus longtemps, je me suis préparée psychologiquement à mettre un réveil, et j’ai rejoint mes petits camarades au 11 Gilgamesh.
Normalito, c’est bien un super-héros. C’est le « super-héros qui rend tout le monde normaux », nous explique Lucas. Il l’a créé parce que lui se sentait beaucoup trop normal au milieu de tous ses camarades bien moins « normaux » que lui : il y a les zèbres, les dys en tout genre, ceux qui ont des parents divorcés ou une situation familiale compliquée, ceux qui ont une maladie ou que sais-je encore. Lui n’a rien de tout cela et il se sent un peu naze au milieu des autres. Il va rencontrer Iris, qui elle est zèbre, chez qui il va se sentir davantage à sa place tandis que la petite fille trouve un nouveau foyer chez les parents de Lucas.
Je ne suis pas ravie ravie quand j’arrive et qu’un siège de toilettes trône au milieu de la scène. Ça fait prude à deux balles, mais j’assume. Et en fait, quand le spectacle commence, je dois reconnaître que scéniquement ça fonctionne très bien. En fait, scéniquement, tout est très réussi. C’est simple et efficace, avec ces portes de part et d’autre du plateau qui s’ouvrent et se ferment au rythme des entrées et sorties des personnages. Ça donne un peu la cadence d’un vaudeville sur un fond tout à fait différent, et je dois dire que ça fonctionne très bien.
Ce qui m’a davantage gênée, c’est le texte. Je ne suis pas habituée au jeune public, je parle de quelque chose que je connais mal mais que j’ai ressenti au fil de la pièce : j’ai eu l’impression d’assister à un jeune public pour adultes. Passée la première scène, qui est très réussie, menée de main de maître par Antoine Courvoisier, on se détache un peu de notre histoire de base qui m’avait bien plu. La première partie, avec chaque enfant qui se sent plus à l’aise dans la famille de l’autre, est plutôt convaincante même si Normalito disparaît des radars.
C’est plutôt la seconde partie qui m’a posé question : il y a une vraie rupture avec le début et je n’ai pas bien compris comment (ni pourquoi ?) on se retrouvait soudain dans les toilettes d’une gare où la dame-pipi est trans. L’interprétation de Anthony Poupard a beau être remarquable, je ne comprends pas la nécessité de faire intervenir la question des trans dans un spectacle jeune public. On peut parler de la différence, de la tolérance, de l’acceptation de l’autre sans forcément aborder ce sujet si particulier et finalement souvent étranger aux enfants.
L’enfant qui est en moi aurait préféré conserver l’atmosphère du début tout au long du spectacle. Mais il faut reconnaître que l’adulte qui est en moi a passé un bon moment.
Crédit photo – Ariane Catton