Ma journée commence aujourd’hui relativement tard, à 12 heures, à l’Atelier 44 avec Tom à la ferme, de Michel Marc Bouchard. C’est un spectacle que je n’aurais pas choisi toute seule, et je remercie un ami de me l’avoir conseillé il y a plus d’un mois.
Cette dernière création du collectif québécois Naceo est d’une grande sobriété à la fois en terme de scénographie et de costumes. Et pourtant, dès l’entrée des spectateurs, les comédiens allument une puissance dramatique qui ira croissante.
Ils ont chacun leur manière de jouer, toujours très forte et la mise en scène d’Olivier Sanquer est très précise.
On se moque bien d’une absence de décor et de l’économie des accessoires qui suggèreront tout ce qu’il est possible d’évoquer avec seulement quatre chaises et une palette. Nous sommes dans un élevage de vaches laitières et si on nous posait la question, on jurerait avoir senti l’odeur du fumier. Nul besoin d’une bande-son particulière pour avoir le sentiment que les coyotes rôdent. Et la musique est parfaitement adaptée à chacune des scènes.
Tom (Elie Boissière) est un jeune publicitaire montréalais qui se rend dans une ferme éloignée et isolée pour assister aux funérailles de son amoureux, tué dans un accident de moto. C’est Agathe (Marie Burkhardt), la mère de son amant, qui l’accueille chaleureusement à la ferme. Francis (Axel Arnaud), le grand frère du défunt est dans l’opposition systématique. Si elle est persuadée que Tom n’est qu’un ami de son fils, le frère est parfaitement au courant de la relation qui unissait Tom à celui dont le prénom ne sera jamais prononcé.
Les intonations québécoises sont discrètes mais présentes. La voiture est un char. On mange du blé d’Inde (le maïs). Tom a été surnommé Monsieur synonyme par ses collègues en meeting de focus-group. Et quand on jure, c’est avec des mots de sacristie.
On est en empathie avec Tom, ne sachant comment s’y prendre pour faire le deuil d’un amour, lui la veuve-garçon. On est aussi du coté de la mère qui, derrière des paroles liturgiques, semble comprendre la situation alors que le frère persiste à pousser le bouchon du mensonge.
Il n’est pas simple de dire sa vérité et de répondre à la question cruciale de la mère interrogeant c’était qui mon fils ? L’angoisse monte, dégoupillée par instants quand surgissent des pointes d’humour (comme souvent dans les enterrements). C’est captivant. Y compris lorsque Sara, censée être l’amie du défunt (alternativement Angélique Kern Ros comme aujourd’hui ou Amandine Favier) s’exprime en anglais.
Créé au Théâtre d’Aujourd’hui à Montréal en 2011, Tom à la ferme fut lauréat cette même année du Prix de la dramaturgie francophone de la SACD de Paris. Il a été primé deux fois au festival international FriScèsnes en 2020. La pièce a fait l’objet en 2013 d’une adaptation au cinéma par Xavier Dolan, coscénarisée par Bouchard, Prix de la critique internationale à la Mostra de Venise. Je l’ignorais et j’ai « bêtement » suggéré aux comédiens de présenter leur travail au cinéaste québécois parce que j’avais pensé, dès les premières minutes, à Juste la fin du monde par triple évidence, en raison du sujet, de la nationalité de l’auteur, canadien comme lui, et surtout de la justesse des dialogues.
J’ai appris aussi que Xavier Dolan avait acquis les droits d’autre pièce de Michel Marc Bouchard qui sera une série de cinq épisodes pour le géant européen Canal+ et Québecor Contenu. Il s’agit d’un thriller psychologique qui affiche une forte parenté avec Tom à la ferme et dont le titre devrait être La nuit ou Laurier Gaudreault s’est réveillé.
On m’a dit que ce Collectif s’attachait à présenter des textes puissants, épiques, rares, car peu joués. Il fédère des comédiens dissidents laissés en marge du système actuel, je me demande bien pourquoi. Retenez leur nom. Assister à un de leurs spectacles est une expérience très forte qui fait vibrer en nous des émotions contradictoires qui sont bouleversantes.


Il termine par la lecture de lettre de sa mère avec un humour tendre qui laisse percevoir une forme de pardon.La mécanique du processus d’écriture est au coeur de La promesse de l’aube. On comprend pourquoi Romain Gary est le seul écrivain à ce jour ayant obtenu deux fois le prix Goncourt et on se dit que Franck Desmedt pourrait bien tout aussi légitimement obtenir deux fois le Molière du Meilleur comédien.


Le Président de la Cour, juché sur une estrade, donne les instructions avec la solennité qui convient à la circonstance avant d’inviter les spectateurs à suivre l’huissière dans la salle. Le public -je devrais dire l’assemblée des jurés- se lèvera dans quelques instants au coup de clochette annonçant l’entrée de la Cour.Terreur est plus encore qu’un spectacle immersif d’une rigueur exemplaire. Il est le miroir de nos
La pièce a été écrite par Ferdinand Von Schirach et a été traduite par Michel Deutsch. On peut lui faire confiance. Il avait lui-même travaillé dans les années 80, avec Jean-Pierre Vincent au Théâtre national de Strasbourg sur Palais de justice, qui était une reconstitution d’une audience de tribunal correctionnel. Je me souviens de chaque détail, et pour cause, puisque j’étais alors l’attachée de presse du spectacle.Terreur a déjà été montée dans 27 pays où les réactions sont différentes, parce que la culture et les traditions conditionnent les réactions et le vote qui est imposé (la loi n’autorise pas l’abstention en procès d’assises). Les verdicts sont rigoureusement enregistrés sur un site qui suit l’évolution de toutes les représentations. Le recensement des votes modifie chaque soir la carte du monde où l’on voit au premier coup d’œil dans quels pays on a majoritairement voté coupable ou non coupable d’homicide avec préméditation.C’est en France la Compagnie Hercub’ qui s’est saisi de l’affaire et qui a choisi de féminiser le rôle du pilote inculpé, ce qui est une excellente idée pour dramatiser la situation encore davantage. Ce procès-fiction est mise en scène par Michel Burstin, Bruno Rochette et Sylvie Rolland qui y assurent un rôle (avec Frédéric Jeannot, Céline Martin-Sisteron, et Johanne Thibaud) selon une scénographie et un décor de Thierry Grand qui peut surprendre mais qui est largement inspiré d’une chambre criminelle allemande puisque le drame a eu lieu et a été jugé dans ce pays.


Fin de soirée, en restant au 11, pour Le cabaret des absents. Ce spectacle qui commence à 22 h30 a été écrit et mis en scène à partir de l’histoire vraie d’un homme qui sauva un théâtre de la destruction en mémoire de ses parents qui l’avaient conçu dans ce lieu alors qu’ils fuyaient la Russie (comme la mère de Romain Gary soit dit en passant). François Cervantes est l’auteur et assure aussi la direction artistique. Cette création est atypique, plutôt inclassable, alternant des séquences parlées avec des numéros d’illusionniste, de clowns, ou des fantaisies vocales et musicales qui dégagent une infinité de sensations. Chaque comédien (Théo Chédeville, Louise Chevillotte, Emmanuel Dariès, Catherine Germain, Sipan Mouradian, Sélim Zahrani) trouve ainsi au moins un espace où il donne le meilleur de lui-même.
Ces moments de cabaret, à proprement parler, sont absolument réussis et me resteront longtemps en mémoire pour leur beauté poétique époustouflante ou pour la finesse du jeu des acteurs. Par contre je n’ai pas été touchée par les intermèdes récités. Mon point de vue aurait peut-être été différent si ce spectacle n’était pas programmé si tard en fin de journée, et pour ce qui me concerne, après tant d’autres. Avignon est propice à la saturation et du coup sans doute à des réactions plus tranchées dans le positif comme dans le négatif.