La jeunesse a le pas lourd et l'oeil somnolent, elle cherche désespérément un moyen de se faire entendre, un moyen de se faire vacciner. Les conformistes ont le discours planant et solide, ils sont toujours prêts à dire oui, aujourd'hui, demain et après-demain, sur la route des bons sentiments, ils la jouent collectif, unis tous ensemble ils vaincront leur pire ennemi : la soif de liberté.
Ils apprendront les plaisirs de l'obéissance, la béatitude de l'horloge toujours à l'heure, les jouissances des autoroutes partagées, sans oublier le bonheur de la pensée clonée, conditionnée par les algorithmes boulimiques, plus jamais de prise de tête, il n'y aura qu'à scanner le code et suivre les instructions, il n'y aura qu'à bien exécuter, sans grommeler, sans soupirer, sans aspirer à rien
Michel, Gabrielle, Yvonne, Antoine, Evelyne, Etienne, qui que vous soyez, vous aimerez les mêmes choses, vous regarderez les mêmes séries, vous aurez les mêmes rêves, vous fréquenterez les mêmes enseignes
Vous irez jusqu'à mourir sur le même champ de bataille
embrigadés, embauchés, embaumés
Vous irez jusqu'à vous enfermer à double tour
rivés à vos écrans impérieux
vous pleurerez de chaudes larmes qui viendront s'échouer sur des récifs abasourdis
stupéfaits face à tant de bêtise et de méchanceté
vous serez les momies que convoitaient les mamies jadis
bienvenue dans le monde des gorgones aux yeux de braise.