Magazine Culture

(Hommage) à Henri Deluy (25 avril 1931 - 20 juillet 2021), par Julien Blaine

Par Florence Trocmé

Marseille en partage
Hommage à Henri Deluy
par Julien Blaine

(Hommage) à Henri Deluy (25 avril 1931 - 20 juillet 2021), par Julien Blaine
ça commence souvent comme ça :
des affinités,
une solidarité entre ces poètes qui fabriquent des revues, qui organisent des festivals, qui ont des amis communs et qui voyagent pour dire là-bas ce qui se passe ici et, ici, ce qu'ils ont vu et rencontré là-bas.
Avec Henri ce fut ainsi.
Son Action Poétique de 1958 à 2012
Sa Biennale internationale des poètes en Val-de-Marne de 1991 à 1997
Joseph-Julien Guglielmi, Jean-Jacques Viton et toi, Liliane Giraudon, sa Lili, " la petite " comme parlant de toi, il te nommait ; pour ne citer que les plus anciens, les plus assidus et les plus permanents !
Et rappeler celles&ceux des derniers jours : son tuteur Michel Demoulin, sa compagne de jadis toujours présente hier et hui en soutien Elisabeth Roudinesco et d'autres amies à son chevet telles Maxime-Hortense et Dominique et Frédérique...
Mais revenons à Henri à travers le monde aux quatre coins de notre pourtant sphérique planète.
Malgré tous ces points de rencontre, notre rencontre - à nous - fut à l'origine compliquée. Il faut arriver à se souvenir ou à imaginer, jeunes gens ! la force inouïe de la gauche non seulement électoralement mais surtout culturellement et encore plus dans les domaines artistiques et poétiques.
A cette époque nous étions toutes&tous de gauche.
"Gauche" n'était pas alors un mot neutre, sans saveur, insipide, sans contenu et sans signification.
Elle n'était ni "consensuelle" ni "compatible" de ci de là avec quiconque !
C'était une force réelle, j'étais, moi, plutôt avec mes amis anars et autres libertaires tendances gaucho version autonome et Henri était tout à fait communiste au sein de son parti.
ça crée de belles discussions, de belles engueulades, finalement des liens et une vraie amitié !
Et puis nous avions Marseille en partage, cette ville de toutes les couleurs aux 140 villages dont Les Goudes où il fut et Mazargues où il repose, sans compter la mer et ses iles...
Henri et sa passion de la cuisine ! Ce " mangeur de la mer... " Quel souvenir cette lecture aux théâtre des Bernardines avec son ami Pierre Lartigue, tandis que sur scène rôtissait pour son public un cuissot de sanglier...
Et personne, à ce jour, n'a réussi à nous départager, les caillettes se mangent avec des olives vertes selon lui ou noires selon moi ?
En tout cas désormais je les dégusterai avec des olives vertes !
C'était un partisan et un militant politique - oui ! - mais surtout un partisan et un militant pour la poésie.
Quand on lit sa revue, quand on découvre les invités de sa biennale on vérifie sa générosité et son esprit d'ouverture...
Comment a-t-elle écrit ça Cécile Vargaftig :
" Aujourd'hui avec le recul je prends conscience du génie qui a été le sien de faire tenir Action poétique contre vents et marées, avec cet équipage improbable de poètes à couteaux tirés. Ce qu'il a fait de la revue est une œuvre en soi !
Je me souviens quand j'ai invité Action Poétique au festival de Lodève à l'été 2010 pour les Voix de la Méditerranée l'éclectisme et la beauté, donc la vérité de son choix :
"[...] il est question de Liliane, moi, Claude Favre et Maxime Pascal, Action Poétique prenant à son compte Saskia de Jong... Est-ce que ça marche ainsi ?"
Demandait-il.
"Oui ça a marché ainsi Henri, merveilleusement !"
Cette ouverture et cette soif, cet appétit des autres on les retrouve dans les innombrables anthologies qu'il a écrites et fait éditer :
De L'Anthologie arbitraire d'une nouvelle poésie. 1960-1982. Trente poètes chez Flammarion en 1983 aux Poètes néerlandais de la modernité aux Temps des cerises en 2011 en passant par celles ceux d'une Autre anthologie ou d'une Anthologie de circonstance ou d'une Anthologie de rencontres ou d'une Anthologie immédiate sans oublier celle des troubadours, une quinzaine en tout !
Appétit encore du traducteur, curiosité et générosité :
de Adriaan Roland Holst, chez Seghers en 1954 à Anna Akhmatova, chez Al Dante en 2015
et Fernando Pessoa et Alexandre Tvardovsky et ceux de la République Démocratique Allemande (ainsi nommée jadis), et les slovaques, et les tchèques et les soviétiques !
et Vladimir Maïakovski,
et Ossip Mandelstam
C'est le révélateur et le catalyseur d'un XX e siècle de la poésie !
Et qui plus est c'est un poète...
Ainsi nous avions fêté ses 80 ans à Marseille à l'espace Montevideo, il y a donc une dizaine d'années et il se confia...
Nous étions là et il nous dit son lien entre le communisme et la poésie ! Belle émotion même si toutes ou tous ne partageaient pas ses convictions.
comment l'écrit-il ?
Impossible de le
Dire.
Impossible de le
Penser.
Couvrir, pousser
Dessus.
Dans la densité,
La profondeur.
La consistance.
Ne forcer
Que dedans.
( Les arbres noirs - éditions Flammarion - 2006)
Puis un clin d'œil sur Henri le séducteur :
ton étoffe dans le son
si petit
qu'il déchire ta bouche
avec mon œil qui est encore ce qui te voit le mieux
impossible transparence
( Les mille - éditions Seghers - 1979)
à mon âge, Henri, vous êtes plus de votre côté, désormais le tien, que du mien...
Julien Blaine (Juillet 2021)

Photo Henri Deluy à Marseille aux États Généraux de Poésie en 2017


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines