Etrange que l’un de nos plus prestigieux écrivains ai donné son nom à un morceau de viande de bœuf, certes prestigieux. En effet, la recette fut mise au point par son cuisinier personnel, Montmirail, alors que le Vicomte François-René de Chateaubriand était Ambassadeur de France à Londres, en 1822. La pièce est découpée dans le haut du filet, dans la partie la plus tendre et la plus goûteuse, et d’un poids minimum de 400 grammes. Pour l’accompagner, il mit au point une sauce à base de vin blanc, d’échalotes, et d’un beurre maître d’hôtel.
Châteaubriand fut enchanté et le plat fut adoubé. Le cuisinier donna le nom de son maître à ce plat. Lors de ce séjour, il mit également au point le Pudding du Diplomate qui s’appela plus tard le Diplomate, toujours en hommage à l’Ambassadeur.
Succès parisien
De retour à Paris, le plat mit du temps à trouver son public d’amateurs éclairés. Il fallut attendre 1862 pour que le chef Modeste Magny le mit au menu dans son restaurant de la rue Contrescarpe, à l’occasion d’un grand repas réunissant les auteurs de théâtre et écrivains dont les frères Goncourt. Grand succès, et la recette se propagea dans tout Paris. Le poète Théodore de Banville en fut tout transporté de bonheur « Un filet double en épaisseur entouré de pommes soufflées, en beignets, nullement rouge mais en le coupant le jus de viande ruisselle et se mêle à la sauce maître d’hôtel pour en faire quelque chose d’animé et de vivant… »
Cuisson
Le filet doit être saisi à l’extérieur, peu cuit à l’intérieur et bien chaud dans sa totalité, et accompagné de pommes Pont-Neuf. Aujourd’hui, avec ce besoin de tout « revisiter », il s’accompagne le plus souvent de béarnaise et de pommes château (pdt ovales puis rôties), ce qui est loin de la version originale.
Origines douteuses…
Comme souvent, d’autres théories ont fleuri pour expliquer l’origine de l’intitulé de ce plat.
L’une, particulièrement horrible, provient d’une légende bretonne qui voudrait que le Vicomte de Châteaubriant (avec un « t ») rendu fou de jalousie et de colère devant l’infidélité de sa femme avec le roi François Ier, offrit un banquet à ses proches compagnons avec, au menu, sa femme découpée en morceaux et grillée.
Enfin, autre version, le nom serait en liaison avec la ville de Châteaubriant, en Loire-Atlantique, célèbre au début du XXème siècle pour la qualité de ses bœufs élevés dans la région. Les éleveurs auraient proposé cette pièce de viande haut de gamme en lui donnant le nom de la ville.
Par contre, tout le monde est d’accord sur le fait que ce mot désigne une tranche de bœuf très épaisse, découpée dans la tête du filet, admise par « Le Dictionnaire de l’Académie » en 1856.
Accord plat et vins
AOP Châteauneuf-du-Pape
L’appellation est située au nord d’Avignon, et le nom provient de l’ancienne résidence d’été des Papes. Le terroir est célèbre pour ses gros galets qui recouvrent un sol d’argiles rouges. La chaleur emmagasinée par les galets le jour est restituée pendant la nuit ce qui est très favorable à la vigne. L’appellation détient également le record du plus grand nombre de cépages autorisés au nombre de 13, avec le grenache qui domine. Les vins blancs sont gras, frais, et aromatiques. Les rouges, qui nous intéressent aujourd’hui, sont généreux, puissants, charpentés et corsés, et possèdent un potentiel de garde important (10 ans)
Domaine du Grand Tinel
Le Grand Tinel est l’affaire de deux familles, Establet et Jeune, qui démarre au XVIème siècle. Le nom « Grand Tinel » vient du latin « Tina » qui désignait un tonneau et une cave. L’union des deux familles se fait dans les années 1960 par le mariage de Christiane Establet et de Pierre Elie Jeune. Les actuels propriétaires sont Christophe Jeune et ses deux sœurs Béatrice & Isabelle.
74 hectares de vignobles, répartis en 56 hectares de Châteauneuf du Pape, et 18 hectares en Côtes-du-Rhône. L’ensemble du domaine est en « Haute Valeur Environnementale », donc gestion des engrais, de l’eau, préservation de la biodiversité, et stratégie phytosanitaire dans les vignes.
Accord « classique »
Cuvée Grand Tinel rouge 2016
Cépages : grenache noir, syrah
Les Syrahs sont élevées 12 à 18 mois en foudres pour enrober les tanins et gagner en rondeur. Les Grenaches les plus tanniques sont élevés 12 à 18 mois en foudre, demi-muids et barriques. Les plus soyeux en cuves inox pour conserver les arômes fruités et rester sur la finesse et l’élégance.
Belle couleur sombre. Un vin bien bâti aux notes de fruits noirs, de garrigue et de poivre. Un vin puissant, intense et gourmand. Magnifique !
Accord « décalé »
Cuvée Alexis Establet
Rouge, 2006
Cépage : grenache noir
C’est une des raretés et des récompenses que nous offre ce Domaine. Issue d’une parcelle de plus de 100 ans. Vinification en partie en cuves bois, le reste en inox. Cuvaison de 4 à 5 semaines, donc longue. Elevage de 12 mois en foudres de chêne et en cuves bois.
Un vin en tout point remarquable. Une somptueuse couleur rouge concentrée. Un nez intense sur des arômes de cerises noires et de réglisse. En bouche, de l’intensité, un superbe équilibre, et surtout un vin soyeux et velouté. Un vin d’une grande suavité. Grandiose !
Domaine du Grand Tinel – 84230 Châteauneuf-du-Pape
Tél : 04 90 83 70 28 – [email protected] – www.domainegrandtinel.com
Restaurant Quinsou
33, rue de l’Abbé-Grégoire – 75006 Paris – Tél : 01 42 22 66 09