Présentation de l’éditeur :
À trente-neuf ans, Élise, célibataire, vit dans la famille de sa soeur, gynécologue réputée, et de son beau-frère, agent immobilier. Elle tient la maison, s’occupe des quatre enfants du foyer, et son existence s’écoule ainsi, dans une espèce de rythme immuable : depuis toujours, Élise vit dans l’ombre de sa soeur. Aux yeux de l’extérieur, elle passe pour une femme fragile, d’une timidité maladive, incapable de se débrouiller seule.
Tout à coup, elle se met en quête d’un homme sur Internet – et c’est le grain de sable qui va enrayer la mécanique parfaitement huilée de cette famille de notables. Mais quelle mouche a donc piqué Élise ? Personne ne comprend. Elle affirme qu’elle a envie de vivre, c’est tout. Et qu’aucune mise en garde, aucun chantage, aucune menace ne la fera renoncer au type charmant, un antiquaire, qu’elle vient de rencontrer.
L’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. N’est-ce pas ce qui attend Élise sur le chemin de son émancipation, comme tous ceux qu’elle entraîne à sa suite dans cette rencontre qui n’aurait jamais dû avoir lieu ?
J’ai gagné ce livre lors d’un concours organisé par Nath en avril, lors du dernier mois belge et Mrs Pepys m’a proposé d’en faire une lecture commune, ce qui fut fait assez rapidement parce que ce roman est assez addictif, les pages se tournent toutes seules. La quatrième de couverture est bien suffisante, je ne souhaite pas en dire plus pour ne pas déflorer l’intrigue.
En fait les événements s’enchaînent rapidement, aucun temps mort dans ce roman, le rythme est presque télévisuel : on s’imagine les scènes, on les comprend d’emblée mais des retours en arrière dans les quelques heures qui ont précédé l’action apportent une couleur nouvelle à ce qui est en train de se vivre. C’est, je crois, la conjonction du rythme, des personnages et de l’humour subtil qui donne à cette narration bien menée autant d’intérêt. Le « couple » des deux soeurs est déjà bien senti, l’une, Marie-Rose, bien en vue, bien en chair, apparemment comblée par la vie et par son métier, l’autre, Elise, qui vit son prénom comme une élision, qui vit par procuration dans l’ombre de sa soeur et de ses quatre enfants et se réveille soudain pour s’émanciper. Mais il y a aussi le couple que forment Marie-Rose et son agent immobilier de mari, Edouard, le drôle de couple que formeront Elise et Pierre, l’homme qu’elle a rencontré sur Internet et qui révélera la jeune femme, et enfin le couple formé par le chanoine et sa gouvernante (ah zut, on ne pouvait pas le dire mais rassurez-vous, la brave dame a l’âge canonique) (j’adore comment Armel Job critique en douce une certaine image de l’Eglise – toujours avec bonhomie).
A travers ce roman, Armel Job parle de famille, de femmes, d’enfants, de désir(s), de l’image que l’on donne aux autres, il explore le marécage des sentiments cachés sous la surface mais toujours avec respect pour ses personnages qu’il ne juge pas, et son titre « Sa dernière chance » pourrait bien s’appliquer à chacun d’eux, dans des sens bien différents. J’ai beaucoup aimé aussi comment il se joue de son propre travail de romancier. Un très bon crû 2021 !
Rien que pour avoir cité le chocolat Galler, Armel Job vaut la peine d’être lu
« Si elle n’était pas grosse, elle était loin d’être maigre. « Bien en chair » aurait parfaitement défini son type, car elle avait une instinctive affection pour les corps, le sien d’abord, auquel elle accordait de bonne grâce de quoi lui faire plaisir (elle avait un faible pour le chablis et le chocolat Galler), puis celui de ses patientes, qu’elle traitait avec une douceur maternelle. » (p. 22)« Le chanoine, en effet, n’affichait aucun signe de son état. Il était en chemise, sans col romain, les manches retroussées même sur ses bras maigres, car l’appartement était surchauffé. Néanmoins, une fois l’oiseau identifié, toutes les personnes qui connaissent un peu le milieu sacerdotal auraient à coup sûr reconnu la tête de l’emploi, ce mélange particulier de bienveillance délibérée et d’orgueil mal rentré. » (p. 42)
« Le jeune couple auquel Édouard Gayet, le mari de Marie Rose, avait fait visiter la grande villa Art Nouveau qu’il mettait en vente avenue des Tilleuls était encore indécis. Le prix, naturellement, méritait qu’on y regarde à deux fois. Monsieur était un avocat frais émoulu qui s’était fait la main dans quelques affaires de divorce et qui venait de découvrir le beurre que les recouvrement de créances pouvaient mettre dans ses épinards. Madame, que l’on aurait plus volontiers appelée « mademoiselle », était blanchisseuse, non pas dans une laverie, dans une banque luxembourgeoise où elle rendait à certains capitaux est la virginité qui sied aux paradis fiscaux. » (p. 47)
« Le plaisir d’échafauder son intrigue – véritable jouissance du romancier – éclipsait la légère gêne qu’elle éprouvait à l’égard d’Elise. » (p. 239)
Armel JOB, Sa dernière chance, Robert Laffont, 2021
Encore merci à Nath pour le concours et à Mrs Pepys pour la proposition de lecture commune et les échanges autour de ce roman. Son avis est à voir sur Instagram.