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(Note de lecture), Olivier Hobé, Le tabac est ouvert (suivi de je n’ai pas fermé l’œil de ta nuit), par Béatrice Machet

Par Florence Trocmé


Olivier HobéEn ouvrant ce petit livre, facile à mettre dans un sac ou une poche, on découvre un ensemble, une suite de tercets qui ne sont pas des haïkaï au sens Japonais du terme. Ces tercets comme des flashs d’histoires, comme des arrêts sur image, proposent des saynètes, ou bien nous sont livrées des maximes (il faut huit femmes /pour faire / un oiseau), des phrases aphoristiques qui sont le résultat de la réflexion (La liberté/matin midi et soir / c’est la liberté ? »), résultat de l’observation et de la contemplation. Le ton peut sembler parfois amer ou désabusé (Combien de fois ai-je prié / pour la mort / de mes souvenirs), le plus souvent pointe la dérision (La pluie / en Bretagne / est un acquis social). Parfois aussi, des phrases sonnent comme de bonnes résolutions : je veux vivre / d’un seul / tenon. Dans le livre on croise un dénommé Joël Gayraud, Glenn Gould, Lance Amstrong, Daniel-Day Lewis, Flaubert … ; on expérimente plusieurs humeurs et parfois le désenchantement opère : « Je suis l’homme dont l’ombre / est plus réelle / que le corps », ou bien : « Je suis contemporain d’homo / deprimus / impossible de sortir ma bite de sa glotte. » Page 75 nous est présenté un poète qui « est biologiste / il chasse et met en cage / des noctiluques. »
Au long de la lecture, les registres alternent. Après l’ironie tendre (S’il ne faut pas sortir / de soi alors allons deux / au saut du lit) vient l’auto-dérision, l’humour noir. Les outils utilisés : jeux de mots et pirouettes : Je gardais une dent contre le futur / car il pourrait très bien / contrecarrier mes projets. Ou encore : D’aucuns disent qu’on peut / encore bien vivre dans / les arrêts de je. Parfois sont comme rapportées des blagues, celles qu’on nomme blagues de comptoir, des réflexions ou phrases entendues, enregistrées : « Pourquoi la culture / ça serait pour les initiés / ça me gonfle quoi ». Ces différents registres alternent et nous emmènent dans la contemplation de la condition humaine, au singulier « personnel » comme au pluriel universel : on parle de pluralité des luttes / alors que l’on est tout entier soumis / à l’ignorance de soi, ou bien : L’alentour est une aimable promenade / lorsque le seul objet de votre effroi / c’est vous. Langage châtié, langage populaire, propos qui ne dissimulent en rien une sensibilité politique. Ainsi l’auteur souligne les problèmes de société, qui s’invitent, comme pour faire la preuve de l’absurdité et des outrances des fonctionnements à la fois structuraux et humains. Au fil des pages, quelques saillies (mais ce n’est pas un livre d’opinions), que l’on pourrait comprendre comme « contre la chasse », ou « contre les poèmes abscons ». D’ailleurs la préoccupation de la poésie traverse de temps en temps l’ouvrage avec quelques réflexions (que sans doute James Sacré ne renierait pas, lui qui demande souvent ce qui fait poème) : La difficulté d’écrire un poème / c’est d’identifier la source / d’un mensonge. Mensonge renvoie à Antonio Gamoneda et à sa descripcion de la mentira, un ouvrage qui explore la relation entre mémoire et oubli (quand peut-être Olivier Hobé explore la relation entre mémoire et conscience : « La conscience / deux boules de glace / sous le soleil. »). « Mais avant de penser à une poétique, il faut penser à la réorientation de la vie. » a dit le même Gamoneda.  Après lecture de son livre on se dit que probablement Olivier Hobé le pense aussi.
 

Béatrice Machet
Olivier Hobé, Le tabac est ouvert (suivi de je n’ai pas fermé l’œil de ta nuit), Pierre Mainard éditeur, juin 2021, 77 pages, 13 euros.

Extraits, page 47
Le grand pragmatique
ne parle pas
il écarte les rideaux.
Celui qui raconte
des histoires d’elfes
a toujours un rire d’ogre.
Jusqu’au dégoût
il voulut
aimer.


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