A tous les ambassadeurs pressés de voir aboutir des négociations, à tous les politiques impatients de faire aboutir leurs réformes, on voudrait rappeler le conseil du poète : Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.
Le conseil est bon pour l’écrivain, mais aussi pour quiconque s’est jeté dans un travail important qu’il souhaite réussi. Se hâter. Mais lentement… sans hâte donc. Contradiction ? Absurdité ? Voyons.
Il vaut toujours mieux se mettre rapidement à la tâche, sans différer. Se jeter dans l’écriture, ou l’invention, ou l’expérimentation. Les préliminaires ont souvent l’effet inverse à ceux de l’érotisme : ils rompent l’inspiration de l’instant au lieu de l’accroître. Trop de précautions feront échouer la négociation, et trop de préparatifs figeront l’écriture.
Mais il est essentiel de ne jamais conclure quoi que ce soit à la légère. De ne pas se précipiter ; de relire, de vérifier et parcourir à nouveau tous les points. D’attendre l’avis d’amis qui ne soient pas flatteurs. De ne céder ni à notre impatience, ni à celle du public, en gardant les yeux fixés sur la seule valeur de ce que nous faisons. De s’arrêter enfin, parce que c’est bien, non parce que nous en avons assez.
Mais les hommes d’action lisent-ils seulement les poètes ? Non, sans doute, ils sont si brouillons et emportés.