Enquête - 230 pages
Editions de l'Olivier - février 2021
Florence Aubenas est journaliste, toujours, intensément, alors elle mène ses investigations. On lui montre un jour des lettres envoyées par Gérald Thomassin depuis la prison. A sa libération, Florence va à sa rencontre pour travailler à l'écriture du récit, l'enquête sur un crime, celui de Catherine Burgod à Montréal-la-Cluse dans l'Ain, dans lequel Gérald Thomassin est impliqué.
Ce n'est pas une fiction, c'est la réalité. Et Florence Aubenas nous la faire revivre avec son talent de conteuse qui décrit minutieusement, nous la retrace pas à pas, en allant sur place, en recueillant foule de témoignages, en nous recréant le quotidien des protagonistes. La victime issue de la classe aisée, fille d'un avocat influent, n'est pas érigée en bourgeoise insupportable. Elle est une femme seule qui vit pour son travail, à sa modeste place dans une succursale de la Poste que son père a bien fini par lui trouver. Il y a de l'injustice partout.
Extrait :
"Ça y est, je suis à la rue, il pense. Comme si ça me collait à la peau d’arriver là. » Ce monde lui paraît étranger et à la fois secrètement familier.
Les habitudes sont vite arrivées. La manche, où il excelle. Les nuits en groupe dans des endroits secrets pour ne pas se faire attaquer. Les saucisses froides extraites de leur emballage. Les papiers d’identité, les lingettes, le couteau collé au ventre dans la banane. De son passé, il n’a plus une photo, plus une lettre, rien. Les jours défilent sans qu’on les compte. « Quand tu es à la rue, tu vis au fur et à mesure. Au bout d’un moment, la rue a pris toute la place, tu ne penses plus qu’à elle. C’est comme le cinéma. "
Gérald Thomassin incarne une jeunesse en déroute mais chanceuse, incarne les paradoxes, balloté de famille d'accueil en famille d'accueil, malmené par la rue et ses glissades dans les stupéfiants, mais aussi repéré par de grands réalisateurs et sous les feux de la rampe grâce au César qu'il a décroché (dans Le petit criminel de Jacques Doillon), tantôt provocateur tantôt affable.
L'histoire est dingue, on touche du doigt à l'ordinaire d'un milieu social en souffrance, à l'extraordinaire aussi, avec ce polar réel, et cette énigme toujours irrésolue, emportée avec l'évaporation de Thomassin dont on a perdu la trace depuis le 28 août 2019...