Un tesson d’éternité
Auteur : Valérie Tong Cuong
Éditions : Jean-Claude Lattès (18 Août 2021)
ISBN : 9782709668934
272 pages
Quatrième de couverture
Anna Gauthier mène une existence à l’abri des tourments entre sa pharmacie, sa villa surplombant la mer et sa famille soudée. Dans un climat social inflammable, un incident survient et son fils Léo, lycéen sans histoire, se retrouve aux prises avec la justice. Qu’advient-il lorsqu’un grain de sable vient enrayer la machine et fait voler en éclats les apparences le temps d’un été ?
Mon avis
Une belle maison, avec piscine, terrasse et vue imprenable, sur les hauteurs du Village. De l’extérieur, une famille sans histoire. L’habitation était celle de ses parents, à lui. Des gens hauts placés, avec une certaine notoriété qui a rejailli sur le fils, comme un héritage. Il a été journaliste, un peu par hasard, puis a perdu son boulot. Là, les amis, les connaissances se sont éloignés, des fois que ce soit contagieux, et puis, les sujets de conversation ne sont plus les mêmes, quand on n’a plus d’activité professionnelle…. Heureusement, il a pu rebondir et il est à nouveau dans le rythme. Ses relations l’aident pour sa nouvelle activité, il est nécessaire de se faire voir, au bon endroit, au bon moment et il le fait, avec sa femme, superbe, qui l’accompagne et tient son rôle à la perfection dans les réceptions, les cocktails, les dîners.
Elle, Anna, est propriétaire de la pharmacie du Village. Une situation acquise à la suite d’un combat de chaque jour jusqu’à son mariage. Issue d’un milieu modeste, son parcours n’a pas été semé de pétales de roses. En observant, en apprenant, elle s’est composée une personnalité nouvelle, parfaite, qui lui donne une aura. Mais à quel prix ? N’est-elle pas obligée de s’étudier, de retenir ses gestes, ses mots, de sanctionner ce qu’elle voudrait faire instinctivement ?
A eux deux, ils ont construit une vie que certains leur envient. Villa bien placée, argent facile, un fils en terminale qui intègrera une école prestigieuse pour rester dans ce qui est devenu leur choix, leur quotidien, un luxe discret mais bien présent. Il n’a jamais eu à lutter pour arriver, elle, si. Ils se complètent, à chacun son personnage.
Et puis, le tsunami. Leur fils Léo est arrêté pour violences sur un policier au cours d’une manifestation. En quelques heures leur monde s’écroule, se liquéfie, tout est balayé. L’équilibre se fissure, se délite… Pourquoi ? Tout n’était-il qu’apparence ? Que deviennent les amis, les proches, que disent-ils ? Que pensent-ils ? Que font-ils ? Empathie ? Une forme de voyeurisme ? Soulagement (ouf, ce n’est pas notre enfant) ? Ne penseront-ils pas « Et bien après tout, même chez les riches, il y a des failles…. » Sur qui peuvent-ils compter ? Comment l’histoire, leur histoire, a t-e-elle pu leur échapper ? Ont-ils raté quelque chose avec Léo ? Mais bon sang, il avait tout pour réussir ! Tout ? Trop ? Il n’y a finalement que deux lettres de différence…. Léo est un héros pour certains, un lâche pour d’autres….
Avec son écriture incisive, précise, aux phrases souvent courtes qui tapent en plein cœur, Valérie Tong Cuong évoque la construction (puis la destruction) d’une vie pierre après pierre. En glissant, çà et là, des allusions sur le passé des parents, on découvre ce qui les a motivés, et comment ils sont arrivés ici et maintenant. Avec l’arrestation de leur fils, les lézardes intérieures, soigneusement dissimulées, étouffées, sont remontées à la surface, devenant des crevasses, des béances …. creusant un fossé qui sera difficile à combler.
Une fois encore l’auteur examine, dissèque des destins d’hommes et de femmes. Son analyse est fine, les mots qu’elle choisit sont les bons. Elle n’en fait pas trop, trouvant le ton juste. Le couple, la famille, l’avenir…. Que sera l’après pour tous ceux-là ? Y-aura-t-il des dégâts irrémédiables ? Sortiront-ils de cette épreuve indemnes, unis ou défaits ?
Ce court, mais très beau roman, nous rappelle combien tout peut basculer très vite….