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Etonnante "Surveillance"

Par Rob Gordon

Etonnante

Surveillance est le deuxième long de Jennifer Lynch, fille de qui vous savez. C’est un film extrêmement bizarre, ce qui n’a a priori rien d’étonnant lorsqu’on imagine que la moitié des chromosomes de la réalisatrice lui ont été refilés par un cinéaste génial mais barré. Attention : Surveillance n’a rien d’un film lynchien au sens traditionnel. Aucune image bizarre à proprement parler (rien d’inexplicable en tout cas), pas de distorsion du temps (les flashbacks sont clairement mis en avant), pas de freak show ni d’univers parallèle. Jennifer Lynch a son propre univers, et c’est très bien comme ça.
Ça commence comme un policier classique, peut-être quelque part entre Usual suspects et Les experts, ou peut-être pas du tout. Car l’étrangeté de certains personnages nous prépare à un long glissement vers autre chose, une folie douce et inquiétante, une exploration du malaise et de la violence. Comment être rassuré lorsque les deux agents du FBI chargés d’enquêter sur une affaire sanglante sont encore plus louches que les suspects potentiels, et que les flics qui les accueillent dans leur commissariat semblent aussi stupides que pervers ? Surveillance vous rendrait parano, contraignant chacun à rester que le qui-vive en permanence, à l’affût de la moindre étincelle susceptible de mettre le feu aux poudres.
Entrecroisant les interrogatoires des survivants (un flic à moustache, une jeune cocaïnée et une petite fille étonnamment sereine pour quelqu’un qui vient de perdre toute sa famille), Jennifer Lynch montre à quel point la perception des évènements peut varier, et comme le mensonge est présent en chacun. Ce n’est pas nouveau ? Certes, mais c’est fait avec tellement d’aplomb que le décalage entre les images et les propos des témoins devient jouissif. Tout en participant à cette grande entreprise de flip collectif. On nage dans le mystère, tout en sachant bien que l’essentiel n’est pas dans la résolution de l’affaire policière. La fin nous donnera raison, apportant des réponses transformant le film en un objet bien différent d’un polar, un truc frustrant puisqu’impossible à défendre sans en révéler l’irrévélable. Il s’agit en tout cas d’une œuvre singulière, naviguant parfois aux frontières du ridicule, qui ne manquera pas de perdre des spectateurs en route mais éblouira les quelques survivants. Surveillance est un film facile à haïr, mais que l’on peut également aimer sans pouvoir mettre de mots sur ce sentiment. C’est sans doute cela qu’on appelle le talent.
9/10


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