"Absence d'infraction", dit le gros titre
sur cette photo qui montre Cristina aux côtés de Héctor Timmerman,
son ministre des Affaires étrangères
qui a succombé à un cancer, qui n'a pas pu être soigné à temps
(par les médecins des Etats-Unis qui l'avaient pris en charge initialement)
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Sous le mandat présidentiel de Mauricio Macri, son opposant n°1 lorsque Cristina Kirchner était elle-même locataire de la Casa Rosada, la justice argentine avait inculpé cette dernière, ainsi que plusieurs de ses ministres et conseillers politiques, pour un accord avec l’Iran qui avait pour objet juridique de permettre à un magistrat argentin de se rendre sur le territoire de la République islamique et d’y entendre deux ressortissants iraniens suspectés d’être les commanditaires du gigantesque attentat antisémite contre l’AMIA à Buenos Aires (85 morts et 300 blessés, dont beaucoup handicapés à vie) et sur lesquels pesait (et pèse toujours) un avis de recherche international déposé par le gouvernement de Cristina Kirchner auprès d’Interpol. Les deux hommes ne quittent plus leur pays, or en Argentine, le code de procédure pénale interdit de tenir un procès en l’absence des accusés. Il fallait donc un accord international pour poursuivre l’instruction.
Cet accord a
été négocié et signé par les autorités exécutives argentines
et iraniennes, il a ensuite été ratifié par le Congrès argentin.
En revanche, il ne l’a pas été par le parlement iranien. Il n’est
donc jamais entré en vigueur. Les deux ressortissants iraniens sont
hors de portée des magistrats argentins.
"Cristina bénéficie d'un non lieu dans l'affaire
du mémorandum avec l'Iran", dit le gros titre
au-dessus d'une photo du match Argentine-Paraguay d'hier
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Alberto Nisman, procureur en charge de l’instruction de l’attentat jusqu’à sa mort suspecte il y a six ans (1), avait bâti une accusation contre Cristina Kirchner fondé sur un véritable procès d’intention (2), au sens littéral de l’expression : l’accord international aurait eu pour objectif secret de faire lever l’avis de recherche internationale contre les deux Iraniens. Comme il n’est jamais entré en vigueur, cette intention cachée, si toutefois elle a existé, est restée purement virtuelle et elle ne peut donc pas être constitutive d’un crime quel qu’il soit et encore moins d’une haute trahison.
Le tribunal
devant lequel Cristina Kirchner, elle-même avocate de profession, a
présenté sa défense il y a plusieurs mois, vient de dicter un
arrêt de non lieu en sa faveur et en faveur de tous les autres
inculpés, ses ministres (dont un qui est décédé depuis) et ses
conseillers. Pour ces trois magistrats, qui ont rédigé un arrêt
unanime, aucune loi n’a été violée par cet accord. Tout au plus
peut-on reprocher à l’ancienne présidente une erreur ou une faute
politique, ce qui ne relève pas de la justice mais du vote des
électeurs.
"A la fin, Cristina bénéficie d'un non lieu
dans l'affaire lancée par Nisman", dit le gros titre
au-dessus d'une photo du même match
Tout en haut, la photo de Sandra Arroyo Salgado,
la juge qui hérite de l'instruction sur l'anniversaire
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Le parquet et les parties civiles (DAIA, la fédération des organisations juives argentines, et l’AMIA elle-même) peuvent encore faire appel de ce non lieu. Il y a fort à parier que la DAIA va le faire, d’abord parce que ses autorités ont aussitôt condamné l’arrêt de la cour et ensuite parce que l’organisme est très partisan (il se confond avec la droite argentine, qui veut à tout prix voir Cristina Kirchner derrière des barreaux).
Très
aligné sur ces positions, Clarín
vomit aujourd’hui un éditorial d’autant plus agressif (et
insultant pour la cour) qu’on est en campagne électorale de
mi-mandat et qu’il faut à tout prix discréditer la gauche
aujourd’hui au pouvoir. En revanche, Página/12
se frotte les mains (on le ferait à moins à gauche). Quant à La
Prensa
et La
Nación,
deux quotidiens de droite (l’un catholique, l’autre libéral),
ils prennent la nouvelle avec plus de recul journalistique (et même
de dignité) que leur concurrent tabloïd.
"Non lieu pour Cristina Kirchner dans l'affaire
du pacte avec l'Iran", dit le gros titre
au-dessus d'une autre photo du même match
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Pendant ce temps-là, à qui revient l’instruction de l’anniversaire de la Première dame en plein confinement dans un des palais de la République ? Précisément à la juge fédérale Sandra Arroyo Salgado, l’ex-femme de Nisman, la mère de ses filles, la Pasionaria (de droite) qui a martelé pendant des années que la mort de son ex-mari était un magnicidio (assassinat d’un magistrat dans l’exercice de ses fonctions). Et cette juge est bien décidée à faire sentir son pouvoir aux dix personnes impliquées dans ce scandale mineur (une réunion festive de dix convives pendant le confinement, ce n’est pas bien mais on est loin d’un crime de haute trahison).
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller
plus loin :
lire l’article de La Prensalire l’article de Clarín
lire l’éditorial de Clarín (« un arrêt honteux pour assurer à Cristina son rêve d’impunité »)
lire l’article de La Nación
(1)
Vraisemblablement, il s’est suicidé un dimanche matin, en plein
été, à la veille de présenter devant le Congrès ses accusations
(mal bâties) contre la présidente. Cependant sa famille et la
droite exploitent depuis la découverte du corps l’idée qu’il
s’agit d’un assassinat ourdi par le gouvernement kirchneriste.
Sandra Arroyo Salgado, l’ex-femme du procureur, qui représentait
les deux filles mineures qu’elle avait eues avec le défunt, s’est
retiré de l’affaire en se désistant de sa plainte et le code de
procédure lui interdit désormais de se reconstituer partie civile
pour la suite de l’affaire. Elle a renoncé au procès parce que
l’instruction, avait-elle fait savoir publiquement, n’avait pas
pu faire la preuve du suicide.