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Des textes d’Antonin Artaud

Par Etcetera
Des textes d’Antonin Artaud

Ces textes sont extraits de L’Ombilic des Limbes, paru chez Poésie/Gallimard. Mon exemplaire date de 2007 et je l’ai lu et relu à maintes reprises.

Note sur Antonin Artaud :

Antonin Artaud (1896-1948) est un poète, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et théoricien du théâtre français. Il commence à souffrir de troubles psychiques et de dépression dès la fin de ses études, en 1914. En 1921, il rentre dans la compagnie de Charles Dullin et s’intéresse au Mouvement Dada. Il commence à publier des poèmes dès les années 20. En 1923, il commence à jouer au cinéma et tournera avec Dreyer, Pabst, Abel Gance. Il rentre dans la compagnie de théâtre des Pitoëff. En 1924, il rejoint l’aventure surréaliste, qui vient juste de voir le jour et il « entre en littérature » à ce moment-là. L’Ombilic des Limbes et le Pèse-nerfs sont publiés en 1925. En 1927, Artaud rompt avec les surréalistes car ils se sont ralliés au Parti Communiste. En 1932, il publie Le Théâtre de la cruauté, qui devait avoir un grand retentissement. De 1937 à la fin de sa vie, il est interné dans divers asiles psychiatriques et subit des électrochocs à répétition, contre sa volonté. (Source : Wikipédia, résumé par mes soins).

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Si l’on pouvait seulement goûter son néant, si l’on pouvait se bien reposer dans son néant, et que ce néant ne soit pas une certaine sorte d’être mais ne soit pas la mort tout à fait.
Il est si dur ne plus exister, de ne plus être dans quelque chose. La vraie douleur est de sentir en soi se déplacer sa pensée. Mais la pensée comme un point n’est certainement pas une souffrance.
J’en suis au point où je ne touche plus à la vie, mais avec en moi tous les appétits et la titillation insistante de l’être. Je n’ai plus qu’une occupation, me refaire.

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Le difficile est de bien trouver sa place et de retrouver la communication avec soi. Le tout est dans une certaine floculation des choses, dans le rassemblement de toute cette pierrerie mentale autour d’un point qui est justement à trouver.
Et voilà, moi, ce que je pense de la pensée :
CERTAINEMENT L’INSPIRATION EXISTE.
Et il y a un point phosphoreux où toute la réalité se retrouve, mais changée, métamorphosée, – et par quoi ? ? – un point de magique utilisation des choses. Et je crois aux aérolithes mentaux, à des cosmogonies individuelles.

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Toute l’écriture est de la cochonnerie.
Les gens qui sortent du vague pour essayer de préciser quoi que ce soit de ce qui se passe dans leur pensée, sont des cochons.
Toute la gent littéraire est cochonne, et spécialement celle de ce temps-ci.
Tous ceux qui ont des points de repère dans l’esprit, je veux dire d’un certain côté de la tête, sur des emplacements bien localisés de leur cerveau, tous ceux qui sont maîtres de leur langue, tous ceux pour qui les mots ont un sens, tous ceux pour qui il existe des altitudes dans l’âme, et des courants dans la pensée, ceux qui sont esprit de l’époque, et qui ont nommé ces courants de pensée, je pense à leur besognes précises, et à ce grincement d’automate que rend à tous vents leur esprit,
– sont des cochons.
Ceux pour qui certains mots ont un sens, et certaines manières d’être, ceux qui font si bien des façons, ceux pour qui les sentiments ont des classes et qui discutent sur un degré quelconque de leurs hilarantes classifications, ceux qui croient encore à des « termes », ceux qui remuent des idéologies ayant pris rang dans l’époque, ceux dont les femmes parlent si bien et ces femmes aussi qui parlent si bien et qui parlent des courants de l’époque, ceux qui croient encore à une orientation de l’esprit, ceux qui suivent des voies, qui agitent des noms, qui font crier les pages des livres,
– ceux-là sont les pires cochons.
Vous êtes bien gratuit, jeune homme !
Non, je pense à des critiques barbus.
Et je vous l’ai dit : pas d’œuvres, pas de langue, pas de parole, pas d’esprit, rien.
Rien, sinon un beau Pèse-Nerfs.

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