Le nuage dévoué
L’herbe blessée s’éveilla comme neige. Le mot fantôme demanda du pain. La poussière acquiesça. La maison ratissait le grenier. Le parlant se replia sur les paupières d’une sœur.
Source : Eric Baus : The Tranquillized Tongue, City Lights 2014. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
The Devoted Cloud
The wounded grass woke up as snow. The word ghost asked for bread. The dust nodded. The house combed the attic. The speaker closed in on a sister’s lids.
Source : Eric Baus : The Tranquillized Tongue, City Lights 2014.
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Les doubles de l’aigle
La caméra autorisa deux petits enfants à se parer des nouveaux crocs du drapeau.
Source : Eric Baus : The Tranquillized Tongue, City Lights 2014. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
The Eagle’s Doubles
The camera allowed two small children to try on the flag’s new fangs.
Source : Eric Baus : The Tranquillized Tongue, City Lights 2014.
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L’effondrement de la membrane
Le dormeur orbitait autour de l’océan topiaire. Les bras de verre se muèrent nageant en les branches d’un cygne. L’étranger étendu se dissolvait. La solution macérait. Le calmar acculé assaillit le rivage.
Source : Eric Baus : The Tranquillized Tongue, City Lights 2014. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
The Membrane’s Collapse
The sleeper orbited the topiary ocean. The glass arms swam into the branches of a swan. The outstretched stranger dissolved. The solution steeped. The cornered squid stormed the shore.
Source : Eric Baus : The Tranquillized Tongue, City Lights 2014.
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Verger de parole
Nous cachions nos sifflements derrière un vent élagué couvert de briques. Il disait que nos sons nous permettaient seulement de débuter : je, en-soi, une abeille, les abeilles, ou une lente retraite à travers la neige. La source s’inversa à partir d’où que ce soit qu’avions entré nos paroles. Elle disait : dites bonne nuit à la voix de l’annexe, et les pins brûlaient notre souffle pour survivre.
Source : Eric Baus : How I became a Hum, Octopus 2019. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
Speech orchard
We hid our hisses behind a bricked-over, whittled-out wind. It said our sounds only allowed us to begin: I, itself, a bee, the bees, or a slow retreat through snow. The source reversed from wherever we had spoken into. It said, say goodnight to the annex’s voice, and the pines burned our breath to survive.
Source : Eric Baus : How I became a Hum, Octopus 2019.
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Mer qui se retire
L’accident dévoila un infime chant quand les câbles flottants s’échouèrent. L’orgue protozoaire jouait une tonalité indétectée. La langue tranquillisée s’éveilla dans une cellule. Les arbres s’estompèrent en une graine.
Source : Eric Baus : The Tranquillized Tongue, City Lights 2014. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
The recessive sea
The accident exposed a tiny song when the floating wires grounded. The protozoan organ played an undetected tone. The tranquilized tongue woke up in a cell. The trees blurred into a seed.
Source : Eric Baus : The Tranquillized Tongue, City Lights 2014. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
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Angoisse à structure
Les faucons planent au-dessus d’autres faucons pour tuer fuyant ciel, une étoile distante embrasant leurs faces.
Source : Eric Baus dans la revue en ligne The Elephants, juin 2017. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
Pattern Anguish
Hawks glide above other hawks to kill escaping sky, a faraway star burning their faces.
Source : Eric Baus dans la revue en ligne The Elephants, juin 2017.
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Dans chaque bonne chanson quelqu’un est perdu
Il y a un flac. Il y a un autre flac. Il y en a un autre. Il y a un homme un homme deux femmes un garçon et un garçon. Quelque chose d’autre. Quelqu’un d’autre. Je ne peux pas voir au-delà du blé et les oiseaux je ne peux pas voir. Il y a un chanteur. Y a-t-il une deuxième personne qui chante ? Il y en a une. En effet on peut s’enregistrer depuis le centre d’une parade. Les nuages sont vastes. Tu es très petit et les nuages sont si vastes.
Source : Eric Baus : Tuned Droves, Octopus 2009. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
Inside any good song someone is lost
There is a splash. There is another splash. There is another. There is a man a man two women a boy and a boy. Something else. Someone else. I can’t see past the wheat and birds I can’t see. There is a singer. Is there a second singer? There is. That is, you can record yourself from the center of a parade. The clouds are large. You are little and the clouds are so large.
Source : Eric Baus : Tuned Droves, Octopus 2009.
Eric Baus est un poète états-unien né en 1975 qui enseigne à l’université du Colorado. Il écrit des poèmes en prose de quelques phrases (parfois d’une seule) dont le néo-surréalisme ne provient pas d’une écriture automatique mais d’une exploration minutieuse d’états altérés de conscience où les animaux, les plantes, les choses semblent avoir une vie propre. Le cisèlement de ses unités syntaxiques produit aussi des torsions sémantiques abstraites avec des silences, échos, contradictions. Cependant un univers se dégage de ces poèmes où la nature, la vie biologique, le cosmos paraissent tantôt menaçants, tantôt d’une beauté énigmatique ; l’être humain y est ébloui et submergé mais persistant à vouloir vivre en société – un rare « nous » s’exprime, autant qu’un rare « je » - et comprendre son environnement. Les miniatures d’Eric Baus demandent à être relues pour mieux développer leur imagerie, leurs sonorités, leurs transes intégrant la profusion d’un monde complexe.
Bibliogaphie sélective
The To Sound, Wave 2004
Tuned Droves, Octopus 2009
Scared Text, Center for Literary Publishing 2011
The Tranquilized Tongue, City Lights 2014
How I became a Hum, Octopus 2020
Sitographie
Ecouter Eric Baus lire un de ses poèmes miniatures en quelques secondes
Lire en anglais un entretien avec Eric Baus
Vidéo d’Eric Baus lisant un de ses longs poèmes (2 minutes) : « The To Sound ». Image obscure et son clair, plus quelques sous-titres.
Dossier de Jean-René Lassalle