Trois nouveaux livres sont sortis de ma PAL depuis ma précédente édition de « Mes citations littéraires préférées » (toutes les éditions sont à retrouver ici), à savoir :
- « Là où chantent les écrevisses » de Delia Owens : un hymne à la nature et à la tolérance dont je vous parlais ici ;
- « Un cri sous la glace » de Camilla Grebe : un thriller psychologique qui se déroule au coeur de l’hiver suédois dont je vous parlais ici ;
- « Les déracinés » de Catherine Bardon, le premier tome d’une saga familiale qui retrace le destin d’une famille juive depuis son exil en raison de l’Anschluss (l’annexion de l’Autriche au Reich nazi).
Ces trois ouvrages, tous très différents, m’ont permis de relever une série de citations et de bons mots que j’ai particulièrement apprécié au cours de ma lecture, soit parce qu’ils m’ont touché, fait sourire, réfléchir ou, tout simplement, parce que je les ai trouvé révélateurs de l’univers du livre dont ils sont tirés.
Ces articles de citations sont, je crois, une bonne façon de vous donner un petit aperçu du style des autrices (en l’occurence que des femmes) et certains d’entre vous m’ont affirmé que cela leur donnait envie de découvrir les romans. Je poursuis donc avec cette catégorie d’articles que j’apprécie tout particulièrement préparer et retrouver après mes lectures…
Source cinemagraph : Kitchen ghosts« Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des neiges. Puis, à l’intérieur du marais, çà et là, de vrais marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis dans la chaleur moite des forêts. Parce qu’elle a absorbé toute la lumière dans sa gorge fangeuse, l’eau des marécages est sombre et stagnante. Même l’activité des vers de terre paraît moins nocturne dans ces lieux reculés. On entend quelques bruits, bien sûr, mais comparé au marais, le marécage est silencieux parce que c’est au coeur des cellules que se produit le travail de désagrégation. La vie se décompose, elle se putréfie, et redevient humus : une saisissante tourbière de mort qui engendre la vie ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses » (mon avis sur le livre ici)
« Le marais était enveloppé d’un brouillard qui tombait si bas que sa traîne descendait majestueusement jusqu’à la boue ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Son père lui avait dit de nombreuses fois que la définition d’un homme, un vrai, c’était qu’il savait pleurer sans honte, qu’il pouvait lire de la poésie avec son coeur, que l’opéra touchait son âme, et qu’il savait faire ce qu’il fallait pour défendre une femme ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Assise à l’avant, Kya observait les doigts du brouillard qui plongeaient pour atteindre leur bateau. Au début, des fragments de nuages déchiquetés avaient défilé au-dessus de leurs têtes, puis la brume les avait enveloppés de sa grisaille, et on n’entendit plus que le cliquètement du moteur. Quelques minutes plus tard, de petites taches d’une couleur inattendue se formèrent tandis que la silhouette détrempée de la pompe à essence de la marina apparaissait lentement, comme si c’était elle, et non pas eux, qui se déplaçait ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Kya ne savait plus comment prier. Etait-ce la façon dont on joignait les mains ou la force avec laquelle on fermait les paupières qui comptait ? »
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Allongée à leur côtés, Ma avait déclaré : Ecoutez bien, il y a une belle leçon à tirer de tout ça. D’accord, on s’est enlisées, mais nous, les filles, qu’est-ce qu’on a fait ? On l’a pris à la légère et on a bien ri. C’est comme ça que font les soeurs et les filles. Elles s’entraident, même quand elles pataugent, surtout quand elles pataugent ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Aldo Léopold lui apprit que les plaines inondables étaient des extensions vivantes des rivières, et qu’elles pouvaient les reprendre quand elles le voulaient. Toute personne qui vit sur une plaine dépend en fait des caprices d’une rivière. Elles apprit où vont les oies sauvages en hiver, et le sens de leur musique. Les jolis mots que l’auteur employait, presque de la poésie, lui enseignèrent que le limon est plein de vie et constitue l’une des plus grandes richesses de la terre ; que les marais s’assèchent parfois sur des kilomètres, qu’ils tuent les plantes et les animaux quand l’eau se retire. Certaines graines restent dormantes sous le sol desséché pendant des dizaines d’années, elles attendent, et quand l’eau les irrigue enfin, elles jaillissent et dévoilent leur face. Autant de merveilles et de leçons bien réelles sur la nature qu’elle n’aurait jamais apprises à l’école. Des vérités que tout le monde devrait connaître, et pourtant, même si elles sont là sous nos yeux, à l’instar des graines, elles semblent enfouies, comme au secret ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Les feuilles d’automne ne tombent pas, elles volent. Elles prennent leur temps, errent un moment, car c’est leur seule chance de jamais s’élever dans les airs. Reflétant la lumière du soleil, elles tourbillonnèrent, voguèrent et voletèrent dans les courants ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« La lagune sentait à la fois la vie et la mort, un mélange organique de promesses et de décomposition ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Les cris joyeux rendaient le silence de Kya plus assourdissant encore. Leur solidarité épinglait sa solitude ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Les vauriens font beaucoup de bruit ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Peut-être vaut-il mieux laisser l’amour au repos comme un champ en jachère ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Les visages changent avec les épreuves de la vie, mais les yeux demeurent une fenêtre ouverte sur le passé ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Regardons les choses en face, le plus souvent l’amour ne marche pas. Et pourtant, même quand tout rate, il vous relie aux autres et, au bout du compte, c’est tout ce qui reste, ces liens ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« De sombres rayons de lumière s’engouffraient par la minuscule fenêtre de la cellule de Kya. Elle fixait de petits papillons de poussière, qui dansaient en silence dans une seule direction comme s’ils suivaient un guide rêveur. En atteignant l’ombre, il disparaissaient. Sans le soleil, ils n’étaient rien ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
« Elle aurait préféré qu’il se taise et qu’il écoute la nature sauvage à l’intérieur de lui-même. Alors, il aurait été capable de voir ».
Delia Owens – « Là où chantent les écrevisses »
Source cinemagraph : Kitchen ghosts« Nous ne sommes rien d’autre que la voiture-balai de la société, nous nouons des fils déliés lorsque le tissu s’est déchiré et que l’inimaginable s’est produit ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace » (mon avis sur le livre ici)
« Le lieu est remarquablement anonyme, presque asexué. Ou peut-être très masculin, c’est quasiment la même chose, non ? En tout cas lorsqu’il s’agit d’aménagement ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« Tous ceux qui affirment que l’on est malheureux parce que l’on en attend trop de la vie ont tort. Je n’ai jamais rien attendu de la vie, je ne m’attendais pas à être heureuse, riche ou brillante. Pourtant, j’éprouve aujourd’hui une déception que je ne parviens pas vraiment à décrire. Elle ne se laisse pas définir, dépasse ce que les mots peuvent exprimer. Peut-être est-elle plus grande que moi. Peut-être est-ce moi qui habite cette déception et non l’inverse ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« Notre société nous fait croire qu’être parent, c’est être parfait, alors que ce qui importe, c’est d’être présent ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« Je renverse la tête en arrière, ouvre la bouche et laisse les flocons se poser sur ma langue. Je goûte le ciel qui me tombe dessus ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« Une enquête pour homicide, c’est exactement comme la vie : il y a un début, un milieu et une fin. Et, comme la vie, on ne sait jamais où on en est avant qu’elle soit achevée. Parfois, elle se termine presque avant d’avoir commencé et, parfois, on a l’impression qu’elle continue pour toujours, jusqu’à ce qu’elle périclite ou qu’elle soit classée sans suite. La seule différence, c’est qu’avec les enquêtes, l’objectif est d’arriver à une conclusion le plus rapidement possible – contrairement à la vie. Enfin, par moments je me pose des questions ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« Je n’arrivais pas encore à savoir ce que j’éprouvais exactement. Comme si tous les sentiments se bousculaient encore en moi, ne s’étaient pas encore posés, tels des oiseaux en papier emportés par le vent de l’automne ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« La vie est étrange. Et elle n’en devient pas moins étrange à mesure qu’on prend de l’âge. On s’habitue aux bizarreries, on apprend à les accepter – l’astuce étant d’admettre une bonne fois pour toutes que la vie ne tourne jamais vraiment comme on avait pensé ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« Cet instant est si parfait, si précieux. Pur comme de l’eau de source, ou comme l’air froid des falaises du bord de mer après une grosse averse. Un instant lumineux à conserver jalousement, pour qu’il tienne compagnie à toutes les merdes qui se bousculent dans les méandres de ma mémoire. Mais je me connais par coeur : j’ai désespérément peur de le gâcher, de le salir. Comme je salis et détruis systématiquement tout ce qui est beau et précieux. L’amour et la beauté sont passagers. La merde, elle, est éternelle. Parfois, on y voit poindre de petits instants de bonheur lumineux – et la meilleure chose à faire lorsqu’on tombe sur l’un deux, c’est justement de ne rien faire ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« Le sentiment de manque est une excellente mesure de la valeur des choses perdues ; c’est une monnaie aussi fiable qu’une autre ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« Différent ne veut pas dire moins bien. Différent peut vouloir dire meilleur ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
« La vie est une histoire de perte, disait souvent ma mère en fumant sous la bouche d’aération. La perte de cette innocence infantile avec laquelle nous naissons tous, la perte des gens que nous aimons, de notre santé, de nos capacités physiques, et enfin – évidemment – la perte de notre propre vie. Comme d’habitude, ma mère avait raison ».
Camilla Grebe – « Un cri sous la glace »
Source cinemagraph : Kitchen ghosts« Je venais de vivre un moment de grâce, juste avant l’amour ».
Catherine Bardon – « Les déracinés » (mon avis sur le livre ici)
« J’encaissais mal l’état amoureux, un tourment que je découvrais avec autant d’angoisse que de bonheur ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Hannah est une femme peu ordinaire. Elle a une âme d’artiste. Sa trop grande sensibilité l’encombre ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Dans la pénombre de la chambre, les fins rideaux animés par la brise filtraient la lumière des réverbères en un clair-obscur qui éclairait son corps comme une oeuvre d’art ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Almah avait une farouche résolution : le bonheur immédiat et absolu ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« A cause de nos racines, ils nous amalgamaient en une masse qui gommait nos individualités et anéantissaient nos existences ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« La peur était un mal plus terrible que la douleur et me mettait face à ma faiblesse ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Vous ne soupçonnez pas ce que quelques milliers de schillings, pardon, de Reichmarks, peuvent ouvrir comme portes et fermer comme bouches ! «
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Regarde-les donc bien ces apatrides, toi qui as la chance de savoir où sont ta maison et ton pays (…) Regarde-les bien, ces déracinés, toi qui as la chance de savoir de quoi tu vis et pour qui, afin de comprendre avec humilité à quel point le hasard t’a favorisé par rapport aux autres. Regarde-les bien, ces hommes entassés à l’arrière du bateau et va vers eux, parle-leur, car cette simple démarche, aller vers eux, est déjà une consolation ».
Stefan Zweig – « Voyages » cité par Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Hier, nous étions des émigrants, demain nous serions des immigrés, mais maintenant ? Nous étions des voyageurs. Des juifs errants. Apatrides ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« J’avais aimé la monotonie de ces journées interminables où je n’étais personne ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Ce conflit est en train de révéler l’inhumanité de l’humanité ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Derrière nous, à la limite des terres défrichées, la forêt tropicale avait des allures fouillis, une barrière dense et infranchissable, une muraille de racines, de branches, de troncs et de feuilles dans laquelle on ne pouvait se frayer un chemin qu’à coups de machette. Elle exhalait une haleine moite, un arôme dense, indéfinissable, composée d’une variété infinie d’odeurs chaudes qui étourdissaient les sens. Des odeurs fortes et grasses qui emplissaient les narines et tapissaient le palais. Cette nature n’était que profusion, exubérance, liberté et générosité ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Quand je considérais notre cadre de vie, je me disais que le beau s’étaie envolé. En fermant les yeux, je revoyais la marqueterie complexe d’une commode, la volute d’un dossier, la soie d’un rideau. Paradoxalement l’Autriche prenait des allures de paradis perdu. Mais tout cela appartenait à un autre monde. L’écho de la vie qui avait été la nôtre s’effaçait lentement et, peu à peu, j’oubliais ce qu’étaient les choses là-bas. Ici, la beauté était dans la forme délicate des pétales d’une orchidée, dans la soie rouge d’une fleur de Pâques, d’une le poli rose d’un coquillage de lambi, dans les infinis nuances du bleu de la mer, dans l’immensité du ciel nocturne piqueté d’étoiles, dans les couchers de soleil incandescents ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Nous avions changé de paradigme, renonçant à tout le superflu mais à rien d’essentiel ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Notre exil peut aboutir à une autre forme d’enracinement ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Je salue tout mes amis. Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux ».
Lettre d’adieu laissé par Stefan Zweig avant son suicide, citée par Catherine Bardon dans « Les déracinés »
« Le dictateur des autres est toujours moins dérangeant ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« C’était une espèce de nostalgie intangible qui nous transperçait l’âme, un manque mêlé à un ardent désir, une nostalgie ambigüe du passé et de l’avenir ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Certains prétendaient que l’âme guérit de tout pourvu qu’on lui accorde du temps, que la vie se charge d’effacer les blessures. Ceux-là n’avaient pas vécu ce que nous avions vécu. Le temps se contentait de dresser des remparts toujours plus hauts contre les ravages de la conscience et du souvenir ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Nous ne pourrons jamais revenir, ils ne nous pardonneront pas ce qu’ils nous ont fait ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« On prétend que l’âme des morts survit aussi longtemps que quelqu’un est capable de prononcer leur nom. Je prononcerai les leurs en silence chaque jour de ma vie ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Mirawek, le chantre du débat idéologique, ferait un merveilleux avocat, il connaissait la valeur d’un mot et savait qu’un demi-siècle était plus long que cinquante ans ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Ceux qui ne possèdent pas la même langue sont-ils condamnés à rester étranger l’un pour l’autre? »
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Elle refusait envers et contre tout que le bonheur déserte sa vie. Elle devait prendre son courage à deux mains pour être heureuse malgré tout ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
« Le destin est une chose étrange qui se moque des hommes et s’invente après coup ».
Catherine Bardon – « Les déracinés »
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