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Face aux Ténèbres de William Styron

Par Etcetera
Face aux Ténèbres de William Styroncouverture chez Folio

J’ai lu Face aux Ténèbres, de William Styron, dans le cadre de mon mois thématique sur la maladie psychique. Ce livre parle en effet de la dépression qui a frappé l’auteur dans les années 80.

Quatrième de Couverture par Philippe Sollers


Nous ne croyons pas à l’Enfer, nous sommes incapables de l’imaginer, et pourtant il existe, on peut s’y retrouver brusquement au-delà de toute expression. Telle est la leçon de ce petit livre magnifique et terrible.
Récit d’une dépression grave, avec son cortège d’angoisses, d’insomnies, de « rafales dévastatrices », de tentations de suicide, il nous montre pour la première fois ce qu’est réellement cette « tempête des ténèbres » intérieure qui peut frapper n’importe qui à chaque instant, mais peut-être plus particulièrement certains écrivains, ou artistes, Hemingway, Virginia Woolf, Romain Gary, Primo Levi, Van Gogh : la liste de ces proies désignées de l’ombre serait longue.
Enfer, donc, comme celui de Dante, douleur sans autre issue que celle de l’autodestruction, état de transe incommunicable que ne soupçonnent pas les autres, pas même les psychiatres.
Pourtant, la guérison est possible, on peut en tirer une connaissance nouvelle. Avec précision et courage, le grand romancier qu’est William Styron plaide ici à la fois pour une meilleure compréhension de notre prochain abîmé dans l’horreur, et contre le goût du néant qui nous guette tous.

Mon Humble avis :


Voici un livre puissant et qui va à l’essentiel en un volume assez court (127 pages) pour nous montrer la lente descente aux enfers d’un homme – l’auteur lui-même – qui doit faire face à une grave dépression. Si, dans les premières pages, William Styron parvient encore à faire face à la plupart de ses obligations d’écrivain célèbre (remise de prix, repas honorifique, etc.) et à donner le change tant bien que mal vis-à-vis de tant de sollicitations, ses capacités se réduisent au fur et à mesure des chapitres et l’angoisse devient si envahissante qu’il finit par ne presque plus pouvoir bouger de son lit ou seulement parler.
Ce livre est bien documenté du point de vue médical et psychiatrique, et William Styron compare à plusieurs reprises les connaissances médicales sur la dépression, telles qu’il les a lues, et son propre ressenti de dépressif, ses constats à partir de son expérience vécue. La confrontation de ces deux types de connaissances – livresques et personnelles – m’a parue très riche et passionnante.
William Styron cherche à travers ce livre à faire mieux comprendre la dépression à ceux qui ne l’ont jamais vécue de l’intérieur et qui donc ne peuvent pas l’imaginer. Il souligne à quel point la dépression est indescriptible, indicible, incommunicable, mais, en même temps, il parvient à trouver des mots percutants pour la transcrire : « transe », « tempête sous un crâne », et d’autres expressions et explications très parlantes qui réussissent à nous dépeindre cette si grande douleur psychologique.
Le livre est aussi un message d’espoir pour tous les dépressifs, car il montre comment l’auteur s’est sorti de son désespoir, comment il a pu guérir. Il donne quelques pistes de guérison, il essaye de dire les phrases que les dépressifs auraient besoin d’entendre pour sortir la tête de l’eau.
Ecrit en 1990, à une époque où l’on parlait encore très peu de la dépression et où l’on stigmatisait fortement les malades psychiatriques, on peut s’apercevoir que les choses pourraient encore beaucoup s’améliorer aujourd’hui, que les progrès tardent à venir.
Et, dans ce sens, ce beau livre est encore d’une actualité tout à fait évidente.

Un Extrait page 88

Le sentiment de perte, dans toutes ses manifestations, est la clé de voûte de la dépression – en ce qui concerne l’évolution de la maladie et, très vraisemblablement, ses origines. Par la suite, je devais peu à peu acquérir la conviction que dans certaine perte accablante éprouvée lors de mon enfance, résidait vraisemblablement la genèse de mon mal ; en attendant, et tout en mesurant la dégradation de ma condition, j’éprouvais à propos de tout un sentiment de perte. La perte de tout respect de soi est un symptôme bien connu, et pour ma part, j’avais pratiquement perdu tout sens de mon moi, en même temps que toute confiance en moi. Ce sentiment de perte risque de dégénérer très vite en dépendance, et la dépendance risque de faire place à une terreur infantile. On redoute la perte de tout, les choses, les gens qui vous sont proches et chers. La peur d’être abandonné vous étreint. (…)


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