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Les Enfants de Minuit - Salman Rushdie (Inde)

Par Woland

Midnight's children Traduction : Jean Guiloineau

Voici un roman fabuleux dont l'auteur parvient à tenir en haleine son lecteur avec le même brio que Shéhérazade dans "Les Mille et une Nuits." Pourtant, ce n'est pas cela qui est ici le plus remarquable : ce qui séduit et émeut avant tout, c'est la certitude, très vite acquise, du drame vécu par Rushdie, profondément et viscéralement Indien avant que d'être musulman.

"Les Enfants de Minuit" est un hymne somptueux à l'Inde, une Inde au passé multi-ethnique et multi-religieux mais dans laquelle la sagesse millénaire de la civilisation indo-européenne s'impose comme référence primordiale. Comme l'indo-européen, ancêtre des langues parlées sur notre planète par à ce jour trois milliards d'individus, a uni l'Occident à une partie de l'Orient, Rushdie tente de sceller dans ce livre l'union de l'Inde hindoue et de l'Inde musulmane.

Déiste plus qu'athée véritable, conteur-né dont la sensibilité au merveilleux permet de faire admettre naturellement le basculement de l'intrigue, à certains moments, dans une forme de fantastique, poète incontestable bercé aussi bien par les mythes flamboyant de couleur de la culture hindoue que par les récits tout aussi colorés venus d'Arabie par le biais de l'islam, Rushdie brosse ici une fresque grouillante et pleine de lumière où seules les dérives et les interdits religieux sont traités sans tendresse.

Résumer l'intrigue est chose impossible - sous peine, entre autres, d'en dévoiler un peu trop les fils. En gros, il s'agit de la vie d'une famille indienne de religion musulmane, les Sinai-Aziz, depuis la perte de la foi par le grand-père maternel, Aadam Aziz, jusqu'à la rupture avec le Pakistan et le retour dans le giron de la Grande Mère Inde de son petit-fils, Saleem, qui est aussi le narrateur du récit.

En toile de fond, les tribulations de l'Inde, de l'immédiate Indépendance jusqu'au règne d'Indira Gandhi (magnifiquement identifiée à la déesse Kali par Rushdie) en passant par la partition du Pakistan - "pays de la pureté" (!!!) - et, bien entendu, la guerre qui opposa le Pakistan à la République indienne dans les années soixante.

Le style est chatoyant, on dirait une foule de soieries, plus luxueuses les unes que les autres, qui se déplient une à une, affolant et ravissant l'oeil tout à la fois et dont l'éblouissant assemblage sert à masquer autant qu'à mettre en valeur le ton pince-sans-rire, attendri, cruel aussi, avec lequel Rushdie évoque sa nation et son peuple.

Un livre fascinant et une bouffée d'espoir pour tous ceux qui pensent qu'un jour, l'islam connaîtra sa révolution des Lumières. Mais un livre qui conforte aussi dans la certitude que ces Lumières-là ne pourront venir que d'un peuple non-arabe. ;o)


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