Nous sommes cousins, sans doute. Et pas seulement par le hasard du nom mais parce que, dit-elle, si quelqu’un porte attention à la nature, nous sommes de la même famille. Ce ne sont pas tout à fait ses mots. Mais c’est ainsi que je les reçois, ce 21 octobre, au cinéma Le Balzac, à Paris, où était projeté le film de Kim O’Bomsawin, présentant Joséphine Bacon, Innue de Betsiamites, poète et réalisatrice.
Nous l’avons suivie dans les rues de Montréal et puis dans la toundra et face à l’horizon. Nous avons marché avec elle. « Tant que nous pouvons marcher, dit-elle encore, nous sommes des nomades ». Avec elle, nous découvrons la parole des anciens qu’elle a voulu restituer, écrire, transmettre, cette langue dont les colons ont cherché à instituer l’éradication en imposant aux enfants des Premières Nations le pensionnat où ils étaient séparés de leurs parents et de leurs clans pendant toute une année sans pouvoir vivre selon leur culture. Elle-même a été pensionnaire à l’âge de 5 ans et jusqu’à 19 ans.
Tout est signe dans ses propos et les rêves doivent être réalisés. Ainsi celui de Laure Morali qui la voit en rêve parmi les poètes et lui demande de publier les textes qu’elle écrivait en secret sur des petits bouts de papier. Mais elle ne se dit pas poète, elle accepte l’idée que « dans les mots simples que j’écris, les gens trouvent leur poésie ». Elle rit beaucoup, Joséphine, elle est attentive aux autres, elle nous fait éprouver le lien qu’elle entretient avec Nushimit, le territoire, avec l’horizon vers où nous allons, et où elle seule, comme ses ancêtres avant elle, voit ce qu’elle regarde. Nous sommes dans son regard, nous voudrions la porter sur notre dos comme le fait Marie-Andrée Gill, autre poètesse innue, et porter ainsi la sagesse de cette femme qui dit si calmement : « Je vis au présent le passé de mes ancêtres. »
Cette voix, cette parole m’accompagne désormais. Je marche à côté d’elle.