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(Note de lecture), Michèle Métail, Pierres de rêve avec paysage opposé, par Florence Trocmé

Par Florence Trocmé


Michèle Métail  pierres de rêve avec paysage opposéPierres de rêve, avec paysage opposé
 : une fois refermé ce livre, le titre prend encore plus de signification, tout porteur qu’il est désormais du projet de l’ouvrage. Il s’agirait d’une sorte de dispositif. Au cours d’un voyage à Taïwan, Michèle Métail remarque plusieurs de ces miroirs convexes que l’on peut voir, ici, à certains carrefours de mauvaise visibilité. Elle photographie ces miroirs, où elle capte le paysage qui est alors dans son dos. Dans sa courte présentation, elle fait référence au miroir de Lorrain dont se servaient jadis les peintres pour circonscrire une partie du paysage qu’ils comptaient reproduire.
Voici donc douze miroirs photographiés, douze lieux, douze doubles pages de texte. Sur ces doubles pages à droite le texte, entre vingt et trente lignes, d’un seul tenant ; à gauche le même texte tel qu’on le verrait dans un miroir, inversé donc.
On ne sait ce qui retient le plus dans tout cet ensemble totalement cohérent, vraie forme en elle-même. Car ce que décrit Michèle Métail, c’est ce que « tel un miroir de Lorrain ou une pierre curieuse », ces objets paradoxaux reflètent : « un paysage resserré, irréel, sans relief, confiné dans un cadre. » De telle sorte que « à côté des photos détourées, le texte occupe ici le hors champ »
Tout cela entraîne une sorte de vertige spatial. Où est-on, dans quel sens sont les choses, de quoi parle-t-on ?
Le tour de force de Michèle Métail est d’allier ici conceptuel et sensible, de fusionner l’idée et la sensation, de donner au lecteur une idée de sensation et une sensation d’idée. De le déstabiliser, au propre et au figuré, par rapport à sa propre posture. De l'entraîner à nouveau dans une réflexion sur le miroir, cet objet paradoxal s’il en est. Mais aussi sur le reflet, sur le cadrage et ce qu’il accepte et exclut, sur ce que nous voyons et surtout croyons voir. Rien de moins que les questions de l’identité et de la réalité.
On note le soin de la présentation, matérialisée par cette mention : « Ces douze Paysages opposés sont imprimés en Didot en souvenir des typographes qui composaient en miroir ».
Florence Trocmé
Michèle Métail, Pierres de rêve avec paysage opposé, LansKine, 2019, 56 p., 14€
Extrait : Paysage opposé, 4
Alors que le Pacifique devrait ouvrir sur l'horizon, le rideau est tombé. Brume et pollution en effacent la ligne. L'étendue de sable fin, gris plage est juste festonnée d'une bordure plus foncée, là où l'écume s'infiltre. Pas un souffle de vent. Le drapeau des baignades interdites pend contre le mât. Il faut rester un long moment avant de s'insinuer dans l'épaisseur de l'air inerte. L'œil finit par accommoder avec la distance. Une silhouette se dessine en filigrane, puis une autre. Une longue colonne de porte-conteneurs stationne au large, balises du commerce mondialisé. Ils sont plus de vingt à patienter, immobiles, jusqu'à ce que l'autorisation d'entrer dans le port leur soit accordée, plongeant dans l'attente tout un paysage gris acier. 
Texte 3


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