Le cadre dirigeant modèle est souvent présenté comme assertif, sûr de lui, capable de trancher sans tergiverser et de donner le cap en toutes situations. Ce modèle a été mis à mal ces dernières années et il nous semble bien caricatural. L’imprévisibilité et la complexité de notre environnement nous incitent à revoir nos modèles et à explorer des pistes peut-être contre-intuitives, mais plus fructueuses. Philippe Silberzahn, dans son ouvrage « Bienvenue en incertitude ! », nous invite à adopter une posture de « modestie épistémique ». La modestie ? Alors que tous les ouvrages de leadership vous invitent, surtout au moment des entretiens annuels, à clamer haut et fort la liste de vos succès ? Il ne s’agit pas de taire ses réalisations, mais d’utiliser son expertise avec tact et mesure. Philippe Silberzahn s’en explique ici :
« Développer la modestie épistémique :
L’enseignement se focalise en général sur des questions bien formalisées, où il n’existe qu’une solution qu’il faut deviner. Avec cette logique positiviste, nous formons des experts assis sur une base de connaissance formelle qui répond parfaitement aux objectifs cartésiens : ne pas pouvoir être remis en cause. Il en résulte une confiance excessive en son socle de savoir. Or nous avons vu à quel point la confiance excessive de l’expert explique les prévisions catastrophiques en situation de rupture précisément parce que la rupture remet en question ce fameux savoir.

Alors que la confiance en soi, voire une certaine forme d’arrogance, est encore valorisée dans les cultures d’entreprise, elle peut mener l’entreprise à sa perte. Un peu de doute ne nuit pas, c’est au contraire un réflexe plutôt sain en période d’incertitude. Il ne doit pas conduire à la paralysie, qui serait tout aussi dommageable, mais à une réflexion plus complexe, capable d’embrasser des scénarios multiples.
[1] Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir : la puissance de l’imprévisible. Paris, Les Belles Lettres, 2008.
