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Faire face à l’incertitude…avec modestie !

Publié le 05 novembre 2021 par Diateino

Faire face à l’incertitude…avec modestie !Le cadre dirigeant modèle est souvent présenté comme assertif, sûr de lui, capable de trancher sans tergiverser et de donner le cap en toutes situations. Ce modèle a été mis à mal ces dernières années et il nous semble bien caricatural. L’imprévisibilité et la complexité de notre environnement nous incitent à revoir nos modèles et à explorer des pistes peut-être contre-intuitives, mais plus fructueuses. Philippe Silberzahn, dans son ouvrage « Bienvenue en incertitude ! », nous invite à adopter une posture de « modestie épistémique ». La modestie ? Alors que tous les ouvrages de leadership vous invitent, surtout au moment des entretiens annuels, à clamer haut et fort la liste de vos succès ? Il ne s’agit pas de taire ses réalisations, mais d’utiliser son expertise avec tact et mesure. Philippe Silberzahn s’en explique ici :

« Développer la modestie épistémique : 

L’enseignement se focalise en général sur des questions bien formalisées, où il n’existe qu’une solution qu’il faut deviner. Avec cette logique positiviste, nous formons des experts assis sur une base de connaissance formelle qui répond parfaitement aux objectifs cartésiens : ne pas pouvoir être remis en cause. Il en résulte une confiance excessive en son socle de savoir. Or nous avons vu à quel point la confiance excessive de l’expert explique les prévisions catastrophiques en situation de rupture précisément parce que la rupture remet en question ce fameux savoir.

Faire face à l’incertitude…avec modestie !
Cet enseignement développe ainsi une forme d’arrogance épistémique, c’est-à-dire l’attitude hautaine et présomptueuse de celui qui n’a pas de doute sur l’exactitude et la pertinence de son savoir. La configuration du système d’enseignement français, qui est un outil de sélection avant d’être un outil de formation, renforce la confiance de ceux qui passent les étapes successives – où il s’agit de faire plaisir au professeur en résolvant l’énigme qu’il a proposée – avant d’arriver dans les grandes écoles. Finalement, nous formons des experts faisant preuve d’une confiance excessive en leurs capacités et pour qui l’expression du doute face à la complexité du monde est une forme de faiblesse. C’est ce que traduit Taleb lorsqu’il écrit : « Mon plus gros problème avec le système éducatif est précisément qu’il force les étudiants à produire des explications des sujets étudiés et les punit lorsqu’ils réservent leur jugement, lorsqu’ils murmurent « je ne sais pas »[1]. La connaissance ainsi dispensée en classe forme des Dr John et peut devenir un obstacle à la compréhensionde ce qui se passe dans la vie réelle. cependant, face à un système complexe, rien n’est plus important que de réserver son jugement, ce qu’avait sagement observé Montaigne il y a déjà quatre cents ans. Cette modestie épistémique est fertile, elle est sage, elle devrait s’apprendre, et surtout, elle devrait être valorisée socialement. »

Alors que la confiance en soi, voire une certaine forme d’arrogance, est encore valorisée dans les cultures d’entreprise, elle peut mener l’entreprise à sa perte. Un peu de doute ne nuit pas, c’est au contraire un réflexe plutôt sain en période d’incertitude. Il ne doit pas conduire à la paralysie, qui serait tout aussi dommageable, mais à une réflexion plus complexe, capable d’embrasser des scénarios multiples.

[1] Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir : la puissance de l’imprévisible. Paris, Les Belles Lettres, 2008.


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