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Naissance de l’utilitarisme au xixe siècle 3: jeremy bentham : sa vie, son œuvre

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
NAISSANCE DE L’UTILITARISME AU XIXE SIÈCLE 3: JEREMY BENTHAM : SA VIE, SON ŒUVRE

Après une interruption de 11 ans, je reprends une série d’articles sur les penseurs anglo-saxons du XIXe siècle. J’ai déjà consacré plusieurs articles à William Goodwin, vous trouverez à la fin de ce texte un lien de téléchargement.

Jeremy Bentham est considéré comme le père fondateur de l’utilitarisme. Il est intéressant de prendre connaissance avec sa vie puisqu’elle se juxtapose avec ses idées et avec les grandes idées de son siècle.

Jeremy Bentham est né le 15 février 1748 et décède le 6 juin 1832 à l’âge de 84 ans. C’est un homme qui va donc fatalement rencontrer la Révolution française de 1789.

La philosophie française, celle de Maupertuis, mais particulièrement celle d’Helvétius, est essentielle dans la genèse de l’univers mental de Bentham qui le conduira à l’élaboration des grandes théories de l’utilitarisme.

Deux petits schémas nous permet de situer William Goodwin dans son époque :

NAISSANCE DE L’UTILITARISME AU XIXE SIÈCLE 3: JEREMY BENTHAM : SA VIE, SON ŒUVRE
NAISSANCE DE L’UTILITARISME AU XIXE SIÈCLE 3: JEREMY BENTHAM : SA VIE, SON ŒUVRE

Bentham naît dans une famille riche, puisque son père fait fortune en investissant dans les biens fonciers. Son enfance, comme du reste celle de William Godwin est des plus particulières. Quelque part on le privera de ce qui fait la joie de tout enfant. Ainsi, à l’âge de trois ans au lieu de lire les livres avec de jolis dessins, il lira un traité sur le commerce.

À l’âge de quatre ans, il entreprend l’étude des langues mortes que sont le latin et le grec.

À l’âge de cinq ans, il joue du violon, mais de la musique de chambre de Joseph Haydn et de Corelli.

À l’âge de 15 ans il entre à l’université, ce qui est un âge précoce. Pour accéder aux études, il doit signer un acte d’allégeance à l’Église anglicane. Ce qui n’est, en réalité, qu’une simple formalité pour tous les étudiants, pose un problème de conscience pour notre penseur. Dans un premier temps il ne signe pas le formulaire. Toutefois, il comprend que s’il ne le fait pas, il ne pourrait jamais faire partie de l’université. Il finit par signer, mais cela va probablement le faire réfléchir.

On peut, en effet, légitimement penser que Jeremy Bentham remet en question l’utilité de ce qu’il a vécu précédemment :

L’enseignement du grec et du latin est-il utile ?

Était-ce de même utile à trois ans de lire un traité sur le commerce ?

Voilà donc chez notre ami les prémices de la pensée utilitaire.

Il obtient son diplôme et s’installe en tant que juriste à Londres. Il sera un juriste très singulier puisqu’il réconcilie les plaignants en les empêchant d’aller devant la cour. Vraisemblablement, dans son esprit, il n’y avait aucune utilité à perdre du temps et de l’argent en portant les affaires devant des juges. Il est plus efficace et plus subtil de régler les problèmes à l’amiable.

Malheureusement, cette façon de faire ne permet pas de nourrir son homme, il traverse des moments de difficultés matérielles qui obligent à abandonner le métier de juriste.

Il prend connaissance de la pensée française de Maupertuis, particulièrement celle de Helvétius, mais également de celle de l’italien Beccaria.

On pense généralement que c’est Maupertuis qui est à l’origine de la notion d’arithmétique et de calcul des plaisirs qui rendra célèbre Bentham. Toutefois, il doit beaucoup à la pensée philosophique d’Helvétius.

Helvétius était un gentil garçon, très poli, très courtois, très accueillant, très hospitalier. Un grand penseur dont j’aurai l’occasion d’en parler ici même.

Selon Helvétius, l’enfant nait vierge de toutes idées et sentiments. C’est le déterminisme par le hasard qui va le former. Ainsi, si un enfant nait dans une famille riche et bien éduquée, il aura certainement une meilleure façon de penser.

Si au contraire, un enfant nait dans une famille pauvre et inculte, il devient certainement inculte et pauvre.

Helvétius s’oppose ainsi aux idées de Diderot qui pense que l’homme est ce qu’il est du fait de sa constitution physiologique et neurologique. Ainsi, dit Diderot, si vous ouvrez le crâne d’un idiot, vous comprendrez pourquoi il est idiot.

La pensée d’Helvétius est en ce sens révolutionnaire. Il continue dans ce déterminisme par le hasard en ajoutant que l’enfant, ensuite, deviendra ce qu’il est par l’éducation qu’il recevra dans l’école, puis dans l’université, par les amis qu’il rencontrera.

Mais, Helvétius va au-delà de cet aspect éducatif et pose le problème essentiel de l’utilité de l’enseignement que l’on propose à ces mêmes enfants.

Fallait-il enseigner le latin et le grec ?

Pourquoi inculquer à un enfant qu’il doit être vertueux, et lui dire d’être le contraire quand il devient adulte ?

Helvétius rejoint quelque part les idées de Jean-Jacques Rousseau, il propose un enseignement basé sur l’apprentissage des choses utiles.

Cependant, Helvétius ne pousse pas le raisonnement jusqu’à proposer un utilitarisme pur et dur comme le fera par la suite Jeremy Bentham.

Les idées d’Helvétius seront déterminantes dans la pensée de Bentham concernant sa conception de l’univers carcéral qui est avant tout à visée préventive et non pas à visée de châtiment.

De même, ses idées seront déterminantes dans sa conception de l’école chrestomathie. Nous aurons l’occasion de revoir ces points précis.

Bentham avec son frère va entamer un voyage à travers l’Europe qui les mènera en Russie où il est sidéré par le manque de rigueur des agriculteurs et des ouvriers russes. Il fera de même connaissance du système pénitentiaire russe. Certains disent que c’est là qu’il va trouver le modèle de son panoptique.

Lorsqu’il est de nouveau en Angleterre, il réfléchit à un système de prison modèle. L’architecture de cette prise est faite de telle façon qu’un seul gardien surveille tous les prisonniers. Il est en plein concept utilitaire, puisqu’il voudrait que l’on puisse, avec le minimum de personnel, faire le maximum d’efficacité. Le panoptique.

 Il propose ce système pénitencier aux Français qui refusent. Les députés anglais l’acceptent. Il investit beaucoup d’argent, mais le projet n’aboutit pas. Il sera malgré tout indemnisé.

Entre-temps, les révolutionnaires français vont lui demander de devenir citoyens français, ce qu’il accepte. Cela ne va pas l’empêcher de critiquer la Déclaration des droits de l’homme, de critiquer la position de la France vis-à-vis de ses migrants et de ses colonies.

Notre incorrigible Jeremy Bentham, bien qu’il vieillisse, se lance dans la construction d’une école particulière qui rejoint, en fait, le concept du panoptique : la chrestomathie. Dans cette école on n’enseignera que les choses utiles tout en on éliminant le grec, le latin. En ce sens, il rejoint Helvétius et Jean-Jacques Rousseau.

Il se propose même de devenir le gérant de cette école. Il investit beaucoup d’argent dans la construction de l’établissement, mais par la suite le comité d’administration sera dissout.

Progressivement, il entre dans la vieillesse, sans jamais s’être marié et sans jamais avoir de descendance. Fidèle à ses opinions d’utilitarisme, il demande qu’à sa mort on confie son corps à l’université pour qu’on puisse s’en servir pour les études. Également, selon son souhait, il est embaumé.

On conserve son squelette et son crâne pour reconstituer son apparence, c’est l’auto-icone qui se trouve enfermée dans un placard ouvert aux visiteurs.

La prochaine fois nous entrons de plain-pied dans l’utilitarisme selon Bentham

NAISSANCE DE L’UTILITARISME AU XIXE SIÈCLE 3: JEREMY BENTHAM : SA VIE, SON ŒUVRE

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