Roman - 160 pages
Editions Le nouvel Attila - août 2020
Black Manoo, c'est le surnom donné à cet Ivoirien venu à Paris avec de faux papiers, un junkie évoluant dans les bas fonds de la capitale des années 1990, à Belleville. Entre squats de dealers, restaurants africains, foyers Sonacotra, immeubles de prostituées... il navigue entre situations cocasses et désespérantes.
Ce qui frappe d'emblée, c'est l'énergie et l'inventivité de la langue de Gauz, qui truffe ses textes d'un vocabulaire imagé, et bouscule le pré carré des expressions de la langue française.
Extrait :
"Quand elle cherche à investir le pactole de l’accident qui lui fait toujours traîner la jambe droite, elle pense d’abord « restaurant africain ». En France, les cuisines du continent se résument à ce groupe nominal. Le Cameroun est à 4 000 kilomètres du Sénégal sur les cartes géographiques, mais le ndolè de Douala et le tchèp de Dakar sont voisins sur les cartes de menus. Pour la décourager, Black Manoo explique à Karol les contraintes horaires, la station debout quasi permanente, les contrôles administratifs, les redoutables Yass, Inspecteurs de l’Action Sanitaire et Sociale, le difficile approvisionnement intercontinental en denrées périssables guettées par des douaniers intègres, les clients jamais contents, surtout les blancs qui ont duré en Afrique, les clients trop contents, surtout les blancs qui n’ont pas assez duré en Afrique, et bien d’autres galères qui font des restaurateurs une caste de surhommes."
Parce que dans ses rues de Belleville, une « tlenteulos » évoque une prostituée chinoise dont on a l'habitude d'entendre afficher ses tarifs,. Parce que pour un squatteur sans papiers, les CRS deviennent Compagnie de Relogement Spécial... Beaucoup d'humour, d'autodérision, de cynisme, mais aussi de tendresse et de tragédie autour de ce personnage malmené par ses addictions, certes débrouillard, mais qui révèle son attachement aux autres, aux parisiens qui le côtoient, l'aident ou le supportent.
Un roman cocasse, dans lequel on s'identifie parfois trop peu aux personnages avec des flash back pouvant complexifier la narration, mais qui nous séduit par son verbe vivifiant.
"Babelleville", par Nathalie Levisalles - En attendant Nadeau