Quand les élections en Biélorussie ont annoncé que Alexander Lukashenko avait gagné ses élections avec 80% des votes, un chiffre que le monde entier n'a jamais cru, l'internet a aussitôt été coupé dans tout le pays afin que personne ne puisse réagir, valider, questionner, ou même lire le cynisme mondial d'ailleurs.
Spontanément, les citoyens bélarusses sont descendus dans les rues en criant au vol des élections. Principalement des jeunes, bien coordonnés, et débrouillards. Capable de se dénicher du réseau. Qui en savait davantage sur les réseaux sociaux et la technologie que les vieux ploucs qui fourbaient tout le monde. À Warsaw, entre autre, on était si bien organisé qu'on pouvait peut-être croire qu'un soulèvement démocratique serait possible. Pour une rare fois, une large solidarité biélorusse montrait son visage. Une union nationale rare. Aussitôt réprimée par une réelle brutalité. Et pourtant, les manifestants restaient généralement heureux, optimistes, solidaires, on dansait même dans les rues. Dans un pays de 10 millions de citoyens, 1,5 de ceux-ci étaient dans les rues pour protester contre la triche. Des villageois, des ainés, des jeunes, des étudiants, des travailleurs d'usine. À certains endroits, des policiers qui arrachaient leurs grades, les tiraient aux poubelles, des images fortes.
Un peu naïvement, on a cru que la pression allait faire changer d'avis le dictateur. Il n'y avait pas d'autres visées.
Mais Lukashenko, n'avait pas de plan lui non plus. Il avait gagné, c'est tout, avalez, on passe à autre chose. Ses voisins toutefois, en avaient. Deux semaines plus tard, un avion appartenant à la sécurité Russe partait de Moscou pour se rendre à Minsk. Peu de temps après ce vol pas tellement secret, les manières de Lukashenko allaient brusquement changer. Dramatiquement même. L'avion était une classe de maître de l'autocratie pratique enseignée par les Russes.
La Biélorussie devenait la bible de ce qu'il fallait étudier en frais de dictature 101. Les techniques de répressions Russes refaisaient surface. Même le personnel autoritaire changeait. Ainsi que ceux qui savaient appliquer les ruses. Les journalistes Russes sont venus remplacer les journalistes Biélorusses à pied levés aux "nouvelles", les manifestants devenaient par magie des prétendus américains, des (faux) étrangers, la police devenait aussi Russe et les Biélorusses policiers, passagers des initiatives policières. Des arrestations sélectives ont aussi débuté. Vladimir Poutine sait depuis longtemps qu'arrêter massivement est non nécessaire si on peut emprisonner, torturer, assassiner au besoin, les figures clés des mouvements de masse. Les autres en resteront effrayés et resterons cachés chez eux. Éventuellement plongeant dans la fatalité croyant que rien ne changera jamais.
Il s'agit du même modus operandi qui avait été appliqué pour Bashar al-Assad, en Syrie, 6 ans plus tôt. Il y avait aussi des impacts économiques. Des produits, anciennement interdits d'importations, que les Russes allaient offrir aux Biélorusses, des éléments d'échange contre leur obéissance. Plusieurs des choses étaient possibles parce la Biélorussie et la Russie partagent beaucoup la même langue. En effet, le Biélorusse, s'efface. Mais aussi parce que Lukashenko et Poutine partagent la même vision du monde politique. Tu es au pouvoir ou tu meurs, ou tu es emprisonné ou tu es forcé à l'exil.
Ça veut dire changement de régime en Russe et en Biélorusse. Mort, emprisonnement ou exil.
Ils ont tous deux appris du printemps Arabe. La démocratie peut être contagieuse. Les manifestations anti-corruption de 2014, un mouvement pro-démocratie, en Ukraine, ont renversé leur président. Poutine en a fait des cauchemars. Si l'Ukraine se débarrassait de ses tricheurs, qu'est-ce qui empêchait maintenant la Russie de faire la même chose?
Lukashenko a accepté l'aide russe, est passé de patron fermier à grand-père autocrate, tyran cruel de son propre peuple. Plus de 800 nouveaux prisonniers, peuplent les prisons, plusieurs sont torturés. Une disparition soudaine n'est pas toujours surprenante. Le viol est devenu un sport. Le kidnapping, un hobby. Le meurtre, un passe-temps tabou. Avec un visage de marbre, Lukashenko a toujours nié ce qui n'est plus une rumeur.
On a tous des images de ce que serait une autocratie. Un méchant au sommet, une crapule qui contrôle l'armée, la police menaçant de violence, l'appliquant. Des traitres collabos. De braves dissidents. C'est vrai.
Mais en réalité, c'est plus complexe encore. Ce n'est plus nécessairement un seul homme, mais un sophistiqué réseau rodé, peu subtil, mais rodé, monté sur des structures financières, des services de sécurité militaire, paramilitaire, policière, des groupes de surveillances, de professionnels désinformateurs et agents de propagande. Les réseaux ne sont pas simplement à l'intérieur d'un même pays, mais parfois inter-pays. La police de l'un peut servir la dictature de l'autre. Les thèmes de la faiblesse de la démocratie et de la mauvaise Amérique du Nord sont partagés.
L'autocratie se porte bien dans le monde.
Il y avait 104 démocraties sur la planète, il y en a maintenant officiellement 98, selon le dernier rapport international sur le sujet.
Le Brésil, la Hongrie, la Pologne, le Soudan, La Birmanie et les États-Unis sont désormais classés dans le chambre du flirt avec l'autocratie.
La Hongrie, le Soudan et le Birmanie seraient déjà déchaussés dans cette chambre.Presqu'en pantoufles.
Dans la zone grise versant sur le noir des vents mauvais.
Oui, nos États-Unis d'Amérique. Par lesquels nos provinces du Canada d'Amérique sont physiquement et parfois moralement liées.
Beaucoup trop de pays disent à tort "que ça ne pourrait jamais arriver ici".
Parmi eux, les États-Unis, encore aujourd'hui, États-Unis dont les pires escrocs qui soient attendent dans le corridor, les poches pleines d'argent..
Le nerf de la guerre.