Indésirable est une sorte d’ovni littéraire, extrêmement bien conçu, et il faudrait des lignes et des lignes pour en célébrer tous les intérêts.
Sous couvert de concevoir un roman en écriture inclusive parfaitement réussie (et ce n’est pas la moindre de ses qualités), Erwan Larcher est parvenu à me captiver jusqu’au bout.
Quand Sam Zabriski s’installe à Saint-Airy, dans la maison dite «du Disparu», le destin de ce village rural au riche passé historique bascule.Le livre est effectivement difficile à genrer. On se doute bien qu’une fois lancé, Erwan Lahrer aura du mal à clore les aventures de ce personnage qui aurait pu côtoyer James Bond. Et dans lequel il a mis un peu de lui-même puisqu’il s’est aussi lancé -c’est lui qui le dit en interview- dans la déraisonnable aventure de réhabiliter un ancien logis poitevin du XV° siècle pour en faire une résidence d’écriture.Ici, on se méfie un peu des étrangers. Ici, on décatit très bien entre-soi. Ici, on a des certitudes, dont celle que l’humanité se compose d’hommes et de femmes. Or impossible de deviner à quel genre appartient Sam, par ailleurs énigmatique quant à son passé. L’incertitude et l’inconnu dérangent, les passions s’exaltent, les tensions s’aiguisent. Après quelques escarmouches, la guerre est bientôt déclarée. Personne n’en sortira indemne.
Roman noir, roman politique, étude de mœurs, Indésirable déroule cinq années de la vie d’un microcosme perturbé par l’arrivée d’un corps étranger. Et forge une langue pour exprimer le dissemblable.
Tous les ingrédients sont là pour rendre la lecture addictive. Avec profusion de détails humoristiques, un lexique très soutenu, et de multiples sourires. Chaque chapitre pourrait être le point de départ d’une nouvelle indépendante.
On est toujours la mauvaise herbe de quelqu’un écrit-il (p. 179). Sapristi ! L’auteur est en tout cas le poil à gratter qu’il nous fallait.Indésirable d'Erwan Lahrer, chez Quidam Editeur, en librairie depuis mars 2021Sélection Prix du roman de Villeneuve-sur-Lot