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Lectures calédoniennes

Par Anned

Lors de mon dernier passage sur le Caillou, j’ai méthodiquement pillé le rayon des auteurs calédoniens d’une grande librairie afin de me faire une idée de ce qui se publiait dans l’archipel. Parmi mes trouvailles, voici trois romans pour la jeunesse, deux publiés par La Bibliothèque du Caillou, le dernier par Grain de sable jeunesse.

Chasse et dérapage de C. Régent

Il s’agit d’un petit roman donneur de leçons terriblement irritant pour la Calédonienne de souche que je demeure. Et bien que ce ne soit pas précisé faute de biographie de l’auteur, il ne fait pas de doute à mes yeux que C. Régent (un homme ou une femme ?) est un zoreille, de l’espèce du Joinville des bandes dessinées de Bernard Berger, un de ceux qui ont tout lu, tout vu, etc. Le récit est en effet émaillé d’un certain nombre de préjugés mais aussi de quelques invraisemblances subtiles.

Combien de familles calédoniennes passent un mois de vacances en voilier dans le lagon calédonien ? Je n’en connais aucune. Les Calédoniens qui vivent côté mer, partent en bateau à moteur camper sur un îlot. Le voilier, c’est plutôt une affaire de zozos, en général.

Et comment imaginer qu’un Calédonien de souche de 10-11 ans ignore tout à son âge de la pratique de la chasse au cerf au projecteur ?

L’auteur cherche visiblement à en détourner ceux qui seraient amenés à la pratiquer un jour ou qui la pratiquent déjà – les jeunes Calédoniens – et fait preuve d’une grande naïveté. Dans l’esprit des métropolitains, cette habitude locale est un massacre d’animaux rares et sans défense. Dans ma famille, c’est plutôt l’abattage certes officiellement illégal, mais « propre » d’animaux semi-nuisibles communs et comestibles,. L’auteur s’est-il seulement invité dans une famille calédonienne pour se faire une idée ? A moins que ses préjugés n’aient fait fuir ses hôtes potentiels ?

Pour terminer, on aurait aimé savoir ce qu’il advient du fameux cyclone Léa de la page 33. C’est rare un cyclone au début des grandes vacances, en décembre. Ils passent plutôt en février ou mars en général. Enfin, combien d’enfants de 10-11 ans chantent encore, en Métropole ou ailleurs, « gai, gai, l’écolier… » au soir du dernier jour de classe de l’année ?

Un parfait coupable d’Armelle Le Guerroué

Voici un autre roman écrit par une autre métropolitaine, mais qui peint pour nos enfants une fresque attachante de la Nouvelle-Calédonie ancienne et des ses habitants. Sous prétexte d’une intrigue policière adaptée à ses jeunes lecteurs, l’auteur nous entraîne à la découverte de la vie de station en brousse aux confins du XIXème siècle.

Une seule petite invraisemblance : le cyclone (encore un !) passe si vite qu’on se demande si l’auteure ne confond pas cyclone et tornade.

L’Enfant de la nuit de Louna Tcherko

Des trois ouvrages, c’est de loin le plus consistant.

Certes l’auteure met ses lecteurs en appétit mais n’explique pas pourquoi son héros est un enfant « de la nuit », ni ne résout la question de la recherche et du contenu mystérieux du cahier laissé par son grand-père au garçon qui pourtant tient le lecteur en haleine. De plus, la transcription du français tel que le parlent les vieux mélanésiens ne sonne pas toujours juste, sans doute parce qu’elle n’est que partielle. Les tournures authentiques voisinent avec d’autres un peu trop élaborées par rapport aux premières. On peut aussi regretter que tout au long du roman, le héros ne soit désigné que par son prénom ou bien un simple « il », à l’exception d’un chapitre entier – un seul, et c’est curieux - où Louna Tcherko utilise très fréquemment un « le jeune » tout court aux accents vaguement socio-démagogiques style maison de quartier. Jamais : le garçon, le jeune homme, l’adolescent, le jeune canaque, l’évadé, le fuyard… Enfin, pourquoi faire apparaître en caractères gras dans le texte les mots de vocabulaire détaillés dans le lexique ? Un astérisque m’aurait semblée plus approprié.

Pourtant, malgré ces quelques défauts, c’est celui des trois ouvrages que je préfère. L’auteure parvient fort bien à nous transmettre son amour pour ce pays, ses habitants si divers à qui l’Histoire ne laisse aujourd’hui d’autre choix que de se respecter et de cohabiter, et la beauté de sa nature encore intacte et quasi inhabitée.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par banoi
posté le 22 août à 00:02
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bonjour, en faisant des recherches sur la LJeunesse en NCalédonie, j'ai lu vos commentaires sur "chasse et dérapage" je voulais vous signaler que l'auteur CATHERINE REGENT est me semble-til calédonienne de plusieurs générations, comme on aime à le préciser ici pour bien faire la différence avec les pièces rapportées..! vos remarques me semblent justifiées, ce qui souligne le côté artificiel ,préfabriqué de certains textes dits pour la jeunesse. MERCI BANOI NOUMEA 22 AOUT 09

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